zes surveillait la jeune fille, qui avait ete
s'asseoir sur sa chaise; tout a coup, il courut a elle et la fit lever:
--Qu'on m'apporte un matelas, cria-t-il.
Alors, prenant la jeune fille par le bras et la poussant brusquement:
--Couche-toi la-dessus, dit-il, etale-toi tout de ton long et en mesure,
tu diras do, do, do, do.
Malgre la gravite de sa situation, Madeleine ne put retenir un sourire.
La lecon avait ete reprise, mais bien que Madeleine voulut y apporter
attention, elle fut distraite par un chuchotement de voix derriere elle;
machinalement elle tourna la tete; elle ne vit qu'une petite porte
fermee. C'etait de derriere cette porte que venait ce chuchotement,
auquel se melait depuis quelques instants comme un bruit de baisers
etouffes.
Madeleine, comme beaucoup de musiciens, avait l'ouie d'une finesse
extreme, et bien souvent elle entendait distinctement ce que d'autres ne
soupconnaient meme pas. Cependant ces chuchotements etaient si forts
qu'elle fut surprise qu'ils n'eveillassent point la curiosite de ses
voisines.
Brusquement l'une d'elles se leva et courut a la petite porte:
--Ursule, je t'y prends encore a te faire embrasser dans les escaliers,
viens ici, petite peste, et ne me quitte plus.
Madeleine eut voulu boucher ses oreilles, comme quelques instants
auparavant elle eut voulu fermer ses yeux; et une fois encore elle se
demanda si elle ne devait pas sortir immediatement de cette maison,
mais, se raidissant contre le degout qui l'envahissait, elle resta.
XXI
Cependant la presence de Madeleine avait produit une certaine sensation:
on avait remarque cette jeune femme qui, par sa toilette et sa tenue,
ressemblait si peu aux eleves qui venaient ordinairement chez Lozes, et
trois ou quatre jeunes gens se rapprochant peu a peu avaient fini par
s'asseoir sur les banquettes, et ils s'etaient mis a la regarder, la
toisant des pieds a la tete, l'examinant, la deshabillant comme si elle
avait ete exposee la pour leur plaisir.
Bien qu'elle evitat de tourner ses yeux de leur cote, elle avait senti
le feu de ces regards braques sur elle et le rouge lui etait monte au
visage.
C'etaient ses camarades, ces jeunes gens qui marchaient, s'asseyaient,
se mouchaient avec des poses sceniques, la tete de trois quarts, le
poing sur l'epaule, le sourire aux levres, s'ecoutant entre eux comme on
ecoute au theatre avec des attitudes fausses.
Demain elle devrait leur donner la main et les lai
|