vous dire ... que je vous aime.
Il lui tendit la main; mais Cara, au lieu de lui donner la sienne, la
porta a son coeur comme si elle venait d'y ressentir une douleur; en
meme temps, elle regarda Leon avec un sourire plein de tristesse:
--J'aurais tant voulu etre Hortense pour vous! dit-elle apres un moment
de silence, et n'etre que Hortense; mais, helas! il parait que cela
etait impossible, meme pour un homme delicat tel que vous, puisque c'est
a Cara que vous venez de parler.
--Mais je vous jure....
Elle ne le laissa pas continuer.
--Je ne vous adresse pas de reproches, mon ami; combien d'autres a votre
place seraient venus a moi et m'auraient dit: "Vous me plaisez, Cara;
combien me demandez-vous par mois pour etre ma maitresse?" Vous etes
trop galant homme pour tenir un pareil langage; vous m'avez parle d'un
sentiment ne dans votre coeur, et vous m'avez dit que vous m'aimiez. Je
suis touchee de vos paroles; mais, pour etre franche, je dois dire que
j'en suis peinee aussi. Il me semble que l'amour ne nait point ainsi et
ne s'affirme pas si vite: le gout peut-etre, le caprice peut-etre aussi,
mais non, a coup sur, un sentiment serieux.
De nouveau elle le regarda longuement avec cette expression de tristesse
dont il avait deja ete frappe.
--Ne croyez pas au moins que je repousse cet amour, dit-elle, ou que je
le dedaigne. J'en suis vivement touchee au contraire, j'en suis fiere,
car je ressens pour vous autant de sympathie que d'estime. Mais, depuis
le peu de temps que je vous connais, ce sont ces sentiments seuls qui
sont nes en moi. D'autres naitront-ils plus tard? Je ne sais: cela est
possible puisque mon coeur est libre, et que de tous les hommes que je
connais vous etes celui vers qui je me sens la plus tendrement attiree.
Mais l'heure n'a pas sonne de mettre ma main dans la votre, et j'espere
que vous m'estimez trop pour me croire capable de dicter a mes levres un
langage qui ne viendrait pas de mon coeur. A ma place, une coquette vous
dirait peut-etre qu'elle ne veut pas que vous lui parliez de votre
amour. Moi, qui ne suis ni coquette ni prude, je vous dis, au contraire,
parlez m'en souvent, parlez m'en toujours.
Puis, s'interrompant pour lui tendre les deux mains:
--Et j'ajoute: faites-vous aimer.
VII
Contrairement a ce qui se voit le plus souvent dans le monde auquel Cara
appartenait, Louise, la femme de chambre de celle-ci, etait laide et
d'une laideur repoussante qui inspirait
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