un moment donne, une source de fortune: il n'y a pas de femme
dans le monde auquel appartenait Cara qui ne connaisse l'histoire de ce
prince qui fit cadeau a une de ses maitresse de quelques titres de
propriete sur lesquels les juifs de son royaume ne voulaient rien
preter, et qui, du jour au lendemain, quand on commenca a exploiter les
sources de petrole, valurent plusieurs millions; aussi toutes
croient-elles volontiers que des actions qui ne sont pas cotees cinq
francs a la Bourse rapporteront dans un avenir prochain plusieurs
centaines de mille francs de rente: ce sont leurs billets de loterie, et
elles y tiennent.
Ce fut par Louise que Leon connut la situation vraie de Cara: interrogee
par lui, la fidele femme de chambre commenca par se defendre de parler,
mais elle finit par tout dire:
--Je vois bien que monsieur a remarque l'inquietude de madame, et qu'il
a vu aussi combien nous sommes toutes tourmentees dans la maison; je ne
veux pas que cette inquietude et nos airs mysterieux lui fassent
supposer des choses qui ne sont pas. Cela rendrait monsieur malheureux,
et, si monsieur etait malheureux, cela ferait le chagrin de madame.
C'est la ce qui me decide a parler. Seulement, monsieur voudra bien me
promettre a l'avance que madame ne saura jamais ce que je lui ai raconte
et que c'est moi qui l'ai averti.
--Parlez.
--Eh bien, madame va etre saisie et vendue.
Leon respira; ce n'etait pas cela qu'il craignait apres ces savantes
recommandations: pour lui, les blessures faites par les huissiers
n'etaient pas graves, et leur guerison etait facile.
--Il faut que vous sachiez, continua Louise, que ce miserable M. Ackar,
en qui madame avait toute confiance, s'est fait remettre les valeurs de
madame; il les a vendues ou echangees et a remplace celles qui lui
avaient ete confiees par d'autres qui ont tellement baisse que les
vendre maintenant serait une ruine. Madame etait loin de se douter de
cette infamie, et, quand elle a eu besoin de payer Carbans, elle a
decouvert la verite ou tout au moins une partie de la verite, car a ce
moment il y avait une certaine quantite de ces valeurs qui, etant
depreciees, devaient, dit-on, remonter un jour. Elle a cru a cette
hausse, et elle a compte dessus pour payer ses depenses. Ce n'est pas la
hausse qui est venue, c'est une nouvelle baisse, et, comme madame n'a
pas diminue ses depenses, elle est poursuivie aujourd'hui par tous ses
fournisseurs: le costumier, la modiste, le m
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