re "le papa".
Il est vrai que M. Haupois-Daguillon s'occupait fort peu de ce qui se
passait dans le monde des cocottes, qu'il appelait "des lorettes ou des
courtisanes". Bel homme et gate en sa jeunesse par des succes qui
s'etaient continues jusque dans son age mur, il n'avait jamais compris
qu'on se commit avec des femmes "qui font marchandise de leur amour". A
quoi bon, quand il est si facile de faire autrement.
Cependant le bruit fut tel qu'il arriva un jour a ses oreilles; alors il
voulut tout naturellement savoir s'il etait fonde, et comme il lui etait
difficile d'interroger celui qui pouvait lui faire la reponse la plus
precise, c'est-a-dire Leon, il s'en expliqua avec son ami Byasson, qui
devait avoir des renseignements a ce sujet.
En effet, bien que Byasson n'eut pas de relations dans le monde de Cara,
il savait a peu pres ce qui s'y passait, comme il savait ce qui se
passait dans d'autres mondes, auxquels il n'appartenait pas plus qu'a
celui des cocottes, simplement en qualite de curieux qui veut etre
informe de ce qui se dit et se fait autour de lui. Cette curiosite, il
ne l'appliquait pas seulement aux bavardages de la chronique parisienne
plus ou moins scandaleuse, mais il la portait encore sur les sujets d'un
ordre tout autre, sur tout ce qui touchait a la litterature, a la
peinture, a la musique. Bien qu'il ne fut qu'un commercant, il ne
laissait pas paraitre un livre nouveau un peu important sans le lire, et
sans se faire lui-meme,--et l'un des premiers,--une opinion a son sujet
dont rien plus tard ne le faisait demordre, pas plus l'eloge que le
blame. Dans tous les bureaux de location des theatres de Paris, son nom
etait inscrit pour qu'on lui reserva un fauteuil d'orchestre aux
premieres representations, et pour savoir s'il devait rire, pleurer ou
applaudir, il n'attendait pas que le visage des critiques influents, en
ce jour-la serieux et reserves comme des augures qui croient a leur
sacerdoce, lui eut revele leurs sentiments. Avant que le Salon de
peinture s'ouvrit, il connaissait les oeuvres principales qui devaient y
figurer; il avait ete les voir dans les ateliers, il avait cause avec
les artistes, et pour elles aussi, il ne recevait pas son opinion toute
faite des journaux ou des gens du metier. Toutes les fois qu'une vente
interessante avait lieu a l'hotel des commissaires-priseurs, il recevait
un des premiers catalogues tires, et s'il n'assistait point a toutes les
vacations, il traversait
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