quelques explication et prend la parole: "Tout ce
qu'on vient de dire de moi est vrai, au moins pour le fond; oui, je suis
nee dans le ruisseau, j'en conviens, mais peut-on me faire responsable
de la fatalite de ma naissance? oui, mon enfance s'est passee dans la
fange, mais quand j'ai eu la force de vouloir et de lutter, j'en suis
sortie. Mais que dire de celles qui, nees dans le ciel, descendent
volontairement dans le ruisseau; que dire de la fille d'un des plus
riches banquiers de Paris, d'un pair de France, qui se marie, enceinte
de cinq mois?" La-dessus, comme vous le pensez bien, le president,
indigne, lui coupe la parole. Elle s'assied avec calme; elle avait dit
ce qu'elle voulait dire: La fille du pair de France se mariant enceinte,
c'etait la duchesse de Carami. Voila qui vous fera connaitre Cara,
mieux que de longues explications. Vous voyez de quoi elle est capable,
et quelle est sa resolution, quelle est son audace quand on l'attaque.
Et M. Haupois-Daguillon resta un moment absorbe dans la reflexion;
depuis quelques instants deja, il avait perdu le sourire de confiance et
d'assurance avec lequel il avait aborde cet entretien.
--J'allais oublier de vous dire que Cara a une soeur ainee, Isabelle.
Toutes deux ont suivi la meme carriere; mais, tandis qu'Isabelle a
demande la fortune au monde de la politique et de l'administration, ce
qui lui a valu de puissantes protections, Cara l'a demandee au monde
commercial et financier. Apres l'experience du duc de Carami, qui avait
mal fini, elle s'est adressee aux fils de famille de la haute banque et
du haut commerce, trouvant la des avantages moins brillants peut-etre
que ceux que rencontrait sa soeur, mais a coup sur plus serieux et plus
productifs. Vous donner la liste des gens a la fortune desquels elle a
fait une large breche m'est difficile en ce moment; mais nous trouverons
des noms si vous en desirez.
--Alors elle doit etre riche?
--Elle l'etait, mais elle s'est fait ruiner en ces derniers temps par un
aventurier qu'elle voulait epouser. C'est le juste retour des choses
d'ici-bas.
--Tout ce que vous me dites-la est assez effrayant.
--Aussi avez-vous eu grand tort de vous rejouir en pensant que Cara le
guerirait de Madeleine; il y a des remedes gui sont pires que le mal; et
cette chere Madeleine n'etait pas un mal. Ah! la pauvre fille, que
n'est-elle la pour nous sauver!
--Elle serait la que je n'accepterais pas son secours; d'ailleurs Leon
n'est p
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