ant et tassant la terre avec ses maints
gantees, puis quand elle eut tout nivele, un jardinier lui apporta un
arrosoir plein d'eau, et elle arrosa elle-meme les fleurs qu'elle venait
de planter. Cela fait, elle s'agenouilla et, apres une assez longue
priere, elle partit.
Alors Leon, vivement emu, s'approcha, et sur le monument devant lequel
elle venait d'arranger ces fleurs, il lut: "Amedee-Claude-Francois-Regis
de Galaure duc de Carami."
Ainsi celui qu'il avait cru un rival etait un mort.
Le jardinier qui avait apporte l'arrosoir, etait en train de placer dans
sa corbeille les plantes fanees arrachees par Cara; Leon s'approcha de
lui:
--Voila une tombe pieusement entretenue, dit-il.
--Ah! il n'y en a pas beaucoup comme ca dans le cimetiere: tous les
mois, le 17, _recta_, la garniture est changee, et jamais rien de trop
beau, rien de trop cher.
Leon revint a Paris, marchant la tete dans les nuages, et il s'en alla
droit chez Cara qui, bien entendu, etait rentree.
L'air radieux avec lequel il l'aborda la frappa:
--Comme tu as l'air joyeux! dit-elle.
--Oui, je suis heureux, tres-heureux.
Et, sans en dire davantage, il l'embrassa avec une tendresse emue.
Il avait son projet.
On etait au mercredi, et le lendemain, selon son habitude, Cara devait
etre absente depuis deux heures jusqu'a six; il etait resolu a la
suivre, car maintenant il n'avait plus honte de l'espionner, bien
certain de decouvrir une tromperie du jeudi analogue a celle du 17.
A deux heures moins dix minutes, il etait dans une voiture devant le
numero 19 du boulevard Malesherbes, et quand Cara sortit, descendant
vivement de voiture, il la suivit de loin a pied.
Elle le conduisit ainsi jusqu'a la rue Legendre, a Batignolles: elle
allait droit devant elle, rapidement, sans se retourner; mais dans la
rue Legendre un embarras sur le trottoir la forca a s'arreter et a se
coller contre une maison; alors, levant la tete, elle apercut Leon qui
arrivait.
En quelques pas, il fut pres d'elle.
--Toi ici! s'ecria-t-elle, d'une voix etouffee.
Mais, sans se laisser arreter par ces paroles et par son regard
courrouce, il lui dit ce qu'il avait vu la veille, et dans quelle
intention il l'avait suivie.
Elle garda un moment de silence.
--Tu meriterais, dit-elle, que je t'avoue que je vais chez un amant; je
ne le ferai point, et d'ailleurs tu en sais trop maintenant pour ne pas
tout savoir. Je t'ai dit que j'avais eu un frere. Il est m
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