mposer une tache ennuyeuse pour vous; ce serait vous payer
d'ingratitude. Seulement, comme je tiens a l'histoire, voulez-vous que
je vous en conte une, moi.
--Vous allez vous fatiguer.
--Au contraire, je vais me guerir, mais il est bien entendu que si je
vous endors vous m'arreterez.
--C'est entendu.
--Mon recit aura pour titre, si vous le voulez bien: _Histoire d'une
pauvre fille de la vallee de Montmorency_; c'est un conte vrai,
tres-vrai, trop vrai, car je n'ai pas d'imagination.
IV
Elle commenca son recit:
--"Puisque je vais vous raconter l'histoire d'une pauvre fille de la
vallee de Montmorency, il serait peut-etre convenable de vous faire la
description de cette vallee. Mais comme elle est decouverte depuis
longtemps deja, et comme les descriptions m'ennuient quand j'en trouve
dans certains romans, ou trop souvent elles ne figurent que pour masquer
le vide du recit, je passe cette description et vous dis tout de suite
que notre petite fille est ne a Montlignon. Elle etait le dernier enfant
d'une famille qui en comptait trois: un garcon, l'aine, et deux filles.
Cette famille etait pauvre, tres-pauvre; le pere etait terrassier chez
un pepinieriste et la mere travaillait a la terre avec son mari; c'etait
elle qui mettait dans les rigoles les graines ou les plants que son
homme recouvrait a la houe ou au rateau. Notre jeune fille.... Si nous
lui donnions un nom? cela serait plus commode. Mais j'ai si peu
d'imagination que je n'en trouve pas.
--Si nous la baptisions Hortense.
--C'est cela. Hortense donc, ne connut pas son pere, qui mourut quand
elle n'avait que deux ans. Si la vie avait ete difficile quand le pere
apportait son gain a la maison, elle le fut bien plus encore quand la
mere se trouva seule pour travailler et nourrir ses trois enfants. Plus
d'une fois on ne mangea pas, et tous les jours on resta sur son appetit,
ce qui, pretendent les gens qui se donnent des indigestions, est
excellent pour la sante ... des autres. Devant cette misere, la mere se
remaria, non par amour, mais par speculation, pour trouver quelqu'un qui
l'aidat a nourrir sa famille. Se vendre ainsi sans mariage est une
infamie; mais se vendre avec le mariage, c'est tout autre chose. L'homme
que la mere d'Hortense avait pris etait une sorte de brute, terrassier
aussi, et qui n'avait d'autre merite que de travailler comme deux. C
etait justement ce qu'il fallait. Malheureusement a cote de cette
qualite il y avait u
|