sa mere; mais celle-ci vint lui en
parler elle-meme.
--Tu n'as rien appris sur Madeleine? lui demanda-t-elle?
Il secoua la tete par un geste desole.
--Je crois que tu aurais pu t'epargner ce voyage a Rouen; comme toi,
nous avons ete inquiets pendant les premiers jours qui ont suivi le
depart de Madeleine; mais, en raisonnant, nous avons compris que nous
nous tourmentions a tort: Madeleine ne possede rien, elle n'a meme pas
un metier aux mains; dans ces conditions pour qu'elle ait quitte une
maison, ou elle etait heureuse et ou elle etait aimee, il fallait
qu'elle fut certaine d'en trouver une autre ou elle serait et plus
heureuse et plus aimee encore.
Leon, qui etait assis, se leva si brusquement qu'il renversa sa chaise,
puis il s'avanca vers sa mere, pale et les levres tremblantes.
Mais, pret a parler, il s'arreta.
Puis, apres quelques secondes, qui parurent terriblement longues a
madame Haupois, il tourna vivement sur ses talons et sortit.
On fut quinze jours sans le revoir, et, pendant ces quinze jours, il
n'ecrivit pas a ses parents: ou etait-il? personne n'en savait rien.
Quand il rentra, ni son pere, ni sa mere n'oserent lui parler de son
voyage.
Et, bien entendu, le nom de Madeleine ne fut plus prononce.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE
I
C'etait un samedi, le Cirque des Champs-Elysees donnait une
representation extraordinaire pour la rentree du gymnaste Otto, eloigne
de Paris depuis plusieurs annees, et pour les debuts de son eleve
Zabette.
Depuis quinze jours les murs de Paris etaient couverts d'affiches
representant deux hommes lances dans l'espace, l'un aux membres
athletiques, muscles comme ceux d'un personnage de Michel-Ange, l'autre
mince, delie, gracieux comme un ephebe athenien; aux quatre cotes de
cette affiche s'etalaient en gros caracteres les noms d'Otto et de
Zabette. Ce nom d'Otto etait bien connu a Paris dans le monde des
theatres et de la galanterie, car les succes de celui qui le portait
avaient ete aussi grands, aussi nombreux, aussi bruyants dans l'un que
dans l'autre, et pendant plusieurs annees il avait ete de mode pour le
gros public d'aller voir Otto qui, par la hardiesse de ses exercices,
lorsqu'il voltigeait en maillot rose de trapeze en trapeze, arrachait
des cris d'admiration a ses spectateurs; comme, dans un autre public
plus special et plus restreint, il avait ete de mode aussi de
s'arracher Otto qui sans maillot etait plus
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