cette heure, dit Leon.
--C'est a la femme qui aime de faire durer cette heure; est-ce qu'il ne
vous est pas arrive quelquefois de regarder votre pendule a un moment
donne de la journee, puis apres qu'un temps assez long s'est ecoule, de
voir en la regardant de nouveau qu'elle marque quelques minutes
seulement apres l'heure que vous aviez notee; elle s'est arretee, voila
tout, et vous avez vecu sans avoir conscience du temps; eh bien, il me
semble que, quand on aime, on peut ainsi suspendre le cours du temps;
les jours, les mois, les annees s'ecoulent sans qu'on s'en apercoive;
quoi de plus delicieux qu'une existence qui est un reve? Mais, voici
Otto, Ah! comme il a vieilli.
--Et voici Zabette.
En voyant paraitre les deux gymnastes, un brouhaha s'etait eleve dans la
salle et toutes les lorgnettes s'etaient braquees sur eux.
Au-dessus du murmure confus des voix, on entendait des chuchotements qui
ne variaient guere:
--C'est un homme.
--Mais non, c'est une femme.
Otto dans son maillot rose ne paraissait avoir d'autre souci que de
faire des effets de muscles: il bombait sa poitrine en cambrant sa
taille; il tenait ses bras a demi plies pour faire saillir les biceps,
et il tendait la jambe en promenant sur le public un regard glorieux qui
disait clairement: "Admirez-moi." Quant a Zabette, revetu d'un maillot
gris brillant comme l'acier poli, il gardait une attitude plus simple,
et ses grands yeux noirs, au lieu de se fixer sur le public, regardaient
en dedans.
Deux cordes descendirent de la coupole dans l'arene, chacun d'eux se
suspendit a celle qui lui etait destinee, et, sans qu'ils fissent un
mouvement, on les hissa jusqu'a leur trapeze.
Ils en saisirent les cordes et s'assirent sur leur baton, vis-a-vis l'un
de l'autre; Zabette portant ses doigts a sa bouche, envoya un salut, un
baiser a Otto.
Instantanement un silence absolu s'etablit dans toute la salle; de
l'arene au cintre les respirations s'arreterent, bien des coeurs
cesserent de battre.
Ils etaient dans l'espace et, comme des oiseaux, ils volaient de trapeze
en trapeze: Otto remplissait le role de la force, Zabette celui de la
legerete.
Deux ou trois fois, pendant qu'ils passaient devant eux, Cara detourna
la tete comme si elle etait trop emue pour les suivre; elle etait
justement placee devant Leon, et en se detournant ainsi elle le frolait
aux genoux avec ses epaules.
Les gymnastes avaient termine la partie gracieuse de leurs exerc
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