merveilleux encore.
Quant au nom de Zabette, il etait nouveau a Paris; mais, grace aux
journaux "bien informes", on avait bientot su que Zabette etait un jeune
creole qu'Otto avait rencontre en Amerique, et dont il avait fait son
eleve pour l'associer a ses exercices. Puis d'autres journaux, "mieux
informes encore", avaient raconte que ce jeune Zabette, bien que portant
des vetements d'homme, etait en realite une jeune fille qui adorait son
maitre. Et pendant huit jours la question de savoir si ce Zabette etait
un garcon ou si cette Zabette etait une fille avait suffi pour occuper
la badauderie parisienne, toujours prete a rester bouche ouverte,
attentive et curieuse, devant ceux qui connaissent l'art, peu difficile
d'ailleurs, de l'exploiter.
C'etait assez, on le comprend, pour que cette rentree d'Otto et ce debut
de Zabette fussent un evenement. A deux heures toutes les premieres
etaient louees, et le soir les bureaux n'ouvraient que pour les places
hautes, demandees par des gens qui ne voyaient dans Otto que le gymnaste
et que leur honnetete bourgeoise preservait de la curiosite de chercher
a savoir si Zabette etait un jeune garcon on une jeune fille.
A huit heures et demie, devant une salle a moitie remplie pour les
places louees et comble pour les autres, le spectacle commencait par les
exercices ordinaires des cirques francais, anglais, americains ou
espagnols, des Champs-Elysees ou d'ailleurs: _Jupiter_, cheval dresse et
presente en liberte; _entree comique_; _Jeanne d'Arc_, scene a cheval.
Qu'il s'agisse d'une premiere representation aux Francais, a l'Opera,
aux Folies ou au Cirque, il y a une partie du public, toujours la meme,
qui du 1er janvier au 31 decembre se rencontre inevitablement dans ces
soirees, et qui, bien entendu, se connait sans avoir eu souvent les plus
petites relations personnelles: on est habitue a se voir et l'on se
cherche des yeux.
Au milieu de la scene de _Jeanne d'Arc_, deux jeunes gens firent leur
entree au moment ou Jeanne, a genoux sur sa selle, les yeux en extase,
entendait ses voix, et leurs noms coururent aussitot de bouche en
bouche:
--Leon Haupois-Daguillon.
--Henri Clorgeau.
C'etait en effet Leon qui, accompagne de son ami intime Henri Clorgeau,
le fils de la tres-riche maison de Commerce Clorgeau, Siccard et
Dammartin, venait assister aux debuts de Zabette. Ils gagnerent leurs
places au quatrieme rang, et, au lieu de donner leurs pardessus a
l'ouvreuse qui les
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