vous suivez mes lecons, bien entendu; parce
que, vous savez, la nature sans l'art cela ne signifie rien.
--Oui, monsieur, je travaillerai autant que vous voudrez; je vous
promets que vous n'aurez jamais eu d'eleve plus attentive, plus
appliquee.
--S'il en est ainsi, je vous donne ma parole qu'avant dix-huit mois vous
serez en etat de debuter, et, comme debute une eleve de Lozes, d'une
facon splendide; ces anes du Conservatoire verront un peu ce que je sais
faire d'une eleve qui est douee.
Le moment etait venu pour Madeleine d'expliquer sa situation, et les
dispositions dans lesquelles elle voyait Lozes lui donnaient du courage
et de l'espoir.
Mais il ne la laissa pas aller jusqu'au bout.
--Ah! non, ma petite, dit-il d'un ton brusque, je ne fais pas de ces
arrangements-la: je n'ai pas le temps; et puis pour vous, croyez-moi,
c'est une mauvaise affaire; il vaut mieux vous gener et payer vos lecons
comptant; je vous en donnerai une par jour; c'est cinq cents francs par
mois qu'il vous faut; votre famille est ruinee me disiez-vous, eh bien,
une belle fille comme vous ne doit pas etre embarrassee pour trouver
cinq cents francs par mois.
Bien que Madeleine se fut promis de tout entendre sans broncher, elle ne
put pas ne pas se cacher le visage entre ses deux mains: la honte
l'etouffait.
Puis elle fit quelques pas pour se retirer, desesperee.
Il ne bougea pas de son fauteuil; mais comme elle s'eloignait lentement,
parce que ses yeux troubles la guidaient mal, il la rappela tout a coup.
--Voyons, ne vous en allez pas comme ca; et tout d'abord croyez bien que
je suis fache de ne pas vous donner des lecons; je sens qu'on peut faire
quelque chose avec vous: aussi je veux vous aider. Cela vous coutera
peut-etre cher, tres-cher meme.
--Jamais trop cher, je suis prete a tous les sacrifices.
--Ce que je ne peux pas faire pour vous, un autre peut-etre le fera. Si
nous etions en Italie, poursuivit Lozes, rien ne serait plus facile. Il
y a la des gens toujours disposes a se faire les entrepreneurs d'un
jeune homme ou d'une jeune fille ayant une belle voix. Et ce ne sont
pas des artistes, comme vous pourriez le croire; le plus souvent ce sont
des artisans, des menuisiers, des boutiquiers, n'importe qui, ils ont un
petit capital et ils l'emploient a l'exploitation de celui ou de celle
qu'ils ont decouvert. Pour cela ils traitent soit avec les parents, soit
avec le sujet lui-meme, c'est-a-dire qu'ils l'achetent pour
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