urait lui revint; si on allait la reconnaitre! et il lui semblait que
chacun de ceux qui la regardaient etaient des amis ou des employes de
son oncle; alors elle assurait d'une main febrile le voile epais qui lui
cachait le visage.
L'ecole de Lozes etait situee au fond d'une cour, dans un atelier vitre
qui avait servi autrefois a un photographe; et on y arrivait de
plain-pied apres avoir traverse un petit vestibule, sans que personne
fut dans ce vestibule pour vous recevoir ou vous annoncer.
Lorsque Madeleine eut pousse la porte de ce vestibule, elle s'arreta un
moment sans oser entrer.
Au fond de l'atelier, un jeune home a la figure energique et de carrure
athletique chantait le grand air de _Rigoletto_, qu'un gros homme au
teint jaune, vetu d'une robe de chambre crasseuse et chausse de
chaussons de feutre, ecoutait, assis dans un vieux fauteuil, en roulant
des yeux blancs,--Lozes, sans aucun doute, qui donnait une lecon; et ce
n'etait pas le moment de le deranger.
Cependant, comme Madeleine ne pouvait pas rester immobile au milieu de
l'atelier, elle regarda autour d'elle pour voir si elle ne trouverait
pas une place ou elle pourrait attendre sans attirer l'attention. Deja
les gros yeux blancs de Lozes, qui s'etaient fixes sur elle a son
entree, ne l'avaient que trop intimidee. Dans un coin formant
enfoncement, elle apercut deux vieilles femmes de tournure vulgaire et
bizarrement accoutrees, assises sur des banquettes; elle se dirigea
doucement de leur cote et s'assit derriere elles.
Aussitot elles se retournerent, et longuement, attentivement elles la
devisagerent, en tachant de percer son voile.
--C'est-y pour prendre une lecon de mosieu Lozes que vous venez? demanda
l'une d'elles a voix basse.
Madeleine sans repondre fit un signe affirmatif.
--Pour lors faut attendre, parce que ct'homme il n'aime pas a ete
derange.
L'autre alors prit la parole, et son ton noble, emphatique, theatral,
contrasta singulierement, avec celui de la premiere vieille; elle posa
une serie de questions a Madeleine, qui ne repondit que par signes
exactement comme si elle avait ete muette.
Heureusement pour elle, la voix de Lozes vient faire taire les
vieilles:
--Silence donc dans le coin des meres, cria-t-il, fermez vos boites.
Le silence se fit aussitot, et Madeleine delivree put suivre la lecon.
L'eleve chantait:
Cour-ti-sans race vi-le ... et dam-ne-e
Ren-dez-moi ma fil-le infor-tu-nee.
Lozes sauta
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