e.
--Et qu'as-tu decide au sujet de Saffroy? Ton oncle, qui lui aussi t'a
demande de reflechir, voudrait savoir comme moi ce que tu as decide; il
y a pour nous urgence a ce que tu te prononces.
--Voulez-vous me donner jusqu'a demain soir, je vous ecrirai?
--Pourquoi ecrire quand nous pouvons nous expliquer de vive voix,
franchement, amicalement?
--Si vous le voulez, j'aime mieux ecrire; je dirai ainsi moins
difficilement ce que j'ai a vous dire.
XVIII
En disant a sa tante qu'il lui serait moins difficile d'ecrire que de
parler, Madeleine ne se flattait pas de la pensee que cette lettre
serait facile,--dans sa position rien n'etait facile, ni lettres, ni
paroles, ni actes.
Mais ce n'etait pas devant les difficultes qu'elle devait s'arreter,
c'etait devant les impossibilites, et encore devait-elle les affronter,
quitte a etre vaincue.
Lorsqu'elle fut seule dans sa chambre, elle se mit a ecrire cette
lettre:
"Ma chere tante,
"C'est a mon oncle aussi bien qu'a vous que j'adresse cette lettre;
c'est vous deux avant tout que je veux remercier du tendre accueil que
j'ai recu dans cette maison. Avec les douces pensees qui m'emplissent le
coeur lorsque je songe a l'affection que vous m'avez montree ce m'est un
profond chagrin de ne pas pouvoir vous prouver ma reconnaissance en me
rendant a vos desirs.
"Mais je ne deviendrai jamais la femme d'un homme que je n'aimerai pas,
et je n'aime pas M. Saffroy, malgre toutes les qualites que je lui
reconnais.
"Je sens qu'une pareille reponse me cree des devoirs et que, puisque je
refuse l'existence fortunee que dans votre genereuse tendresse vous
vouliez m'assurer, c'est a moi de prendre desormais la direction de
cette existence.
"En demandant a mon oncle les moyens de travailler, je ne cedais pas a
un caprice, mais a une volonte posee et arretee, celle de pouvoir
prendre librement la responsabilite de mes determinations. Mon oncle a
cru devoir me refuser. Je respecte les raisons qui l'ont guide, mais il
m'est impossible de les accepter.
"Je dois travailler et, puisque je veux avoir la liberte de mes
resolutions et de mes actes, gagner moi-meme par le travail cette
liberte.
"Je comprends qu'il m'est impossible d'executer ma volonte en restant
pres de vous; demain j'aurai donc quitte cette maison ou j'ai ete si
tendrement recue.
"Je vous prie de ne pas faire faire de recherches pour me decouvrir, en
tous cas je vous previens que mes dispositio
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