our leur demander
s'ils consentaient a l'accepter comme eleve, mais ayant toujours ete
accompagnee, par son oncle, par sa tante ou par une femme de chambre, il
lui etait impossible de faire ces visites.
Pour cela il fallait qu'elle fut libre, et pour etre libre il fallait
qu'elle quittat cette maison dans laquelle elle ne rentrerait jamais.
A cette pensee son coeur se serra et une defaillance morale l'envahit
tout entiere. C'etaient les liens de la famille qu'elle allait briser de
ses propres mains. Que serait-elle pour son oncle et pour sa tante
lorsqu'elle serait sortie de cette maison qui lui avait ete si
hospitaliere? Que serait-elle pour Leon, a qui elle ne pourrait pas dire
la verite, et de qui elle devrait se cacher comme de tous autres? Que
penserait-il d'elle? Comment la jugerait-il? S'il allait la condamner?
Lui!
Son angoisse fut telle qu'elle en vint a se demander si son dessein
etait realisable et s'il n'etait pas plus sage de l'abandonner; mais
elle se raidit contre cette faiblesse en se disant que ce qu'elle
appelait sagesse, etait en realite lachete.
Oui, tout ce qu'elle venait d'entrevoir et de craindre etait possible,
mais quand meme son oncle et sa tante la condamneraient, quand meme Leon
la chasserait de son souvenir, elle devait perseverer. Est-ce que son
depart qui allait la separer de sa famille, n'allait pas justement
ramener dans cette famille celui qui a cause d'elle en avait ete
eloigne, un fils bien-aime?
En agissant comme elle l'avait resolu, ce n'etait pas seulement a son
pere qu'elle donnait sa vie, c'etait encore a Leon.
Il n'y avait donc plus a hesiter, elle quitterait cette maison, et
seule, sans appui, laissant derriere un souvenir condamne, elle
s'embarquerait a dix-neuf ans, sur la mer du monde, sans espoir de
retour, mais au moins avec cette force que donne le sacrifice a ceux
qu'on aime et le devoir accompli.
Cependant, son parti fermement arrete, elle en differa, elle en retarda
l'execution; c'etait chose si grave, si cruelle, de dire adieu
volontairement aux joies tranquilles du foyer, a la tendresse de la
famille, a l'amour.
Mais madame Haupois-Daguillon, en lui parlant de Saffroy, vint
l'arracher a ses hesitations.
--Tu as reflechi a ce que je t'ai dit? lui demanda-t-elle un soir.
--Oui, ma tante.
--Bien reflechi, n'est-ce pas, en jeune fille raisonnable?
--Oui, ma tante, bien reflechi, longuement au moins et avec toute
l'attention dont je suis capabl
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