ou celui-ci avait vingt ans, et que
Camille, se mariant, n'avait pas emporte chez son mari. Combien souvent,
portes closes et sure de n'etre pas surprise, Madeleine etait-elle
restee devant ce portrait qui lui rappelait son cousin a l'age
precisement ou, sans qu'elle eut conscience du changement qui se faisait
dans son coeur de quinze ans, il etait devenu pour elle plus qu'un
cousin.
Aneantie par l'angoisse qui l'oppressait, elle descendit de son lit, et,
allumant une lumiere, elle alla s'agenouiller sur un fauteuil place
devant ce portrait, et elle resta la longtemps, plongee dans une muette
contemplation.
La pendule sonna trois heures du matin; partout, dans la maison comme au
dehors, le silence et le sommeil; dans la chambre l'ombre que ne percait
pas la flamme de la bougie qui n'eclairait guere que le portrait devant
lequel elle brulait comme un cierge devant une sainte image.
Et de fait pour Madeleine n'en etait-ce point une: celle de son dieu,
devant qui elle restait agenouillee lui demandant l'inspiration.
Elle lui avait promis de lui ecrire si on la pressait de se marier, mais
la promesse qu'elle lui avait faite alors etait maintenant impossible a
tenir.
Il arriverait, cela etait bien certain, si elle lui ecrivait qu'on
voulait la marier a Saffroy. Mais alors que se passerait-il?
Ou Leon prendrait son parti, et alors il se facherait avec son pere et
sa mere.
Ou il l'abandonnerait, et alors la blessure serait si affreuse pour elle
qu'elle ne se sentait pas le courage d'affronter un pareil malheur,
quelque invraisemblable qu'il fut pour son coeur.
Non, elle ne devait pas l'appeler a son secours, et seule elle devait
agir.
--N'est-ce pas, Leon? dit-elle en s'adressant au portrait d'une voix
suppliante, parle-moi, inspire-moi.
Et elle resta les yeux attaches sur cette image, les mains tendues vers
elle.
La bougie s'etait consumee et, arrivant a sa fin, elle jetait des lueurs
inegales et vacillantes: tout a coup Madeleine crut voir les yeux du
portrait lui sourire; ils la regardaient avec une tristesse attendrie;
ils lui parlaient. Et comme elle cherchait a les bien comprendre,
brusquement la nuit se fit epaisse et noire; la bougie venait de mourir.
Elle se releva, et a tatons, elle gagna son lit sans avoir l'idee
d'allumer une autre bougie: a quoi bon? elle savait maintenant ce
qu'elle avait a faire, sa route etait tracee.
Elle sauverait l'honneur de son pere,--et elle sauverait la pure
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