creera pour tous une situation bien difficile. Reflechis a tout cela, et
plus un mot sur ce sujet douloureux pour tous, avant que dans le calme
tu n'aies compris combien ce que tu demandes est grave. Nous voici a
Passy; nous allons prendre le train pour rentrer.
XVI
Seule dans sa chambre au milieu du silence de la nuit, quand tous les
bruits de la maison se furent eteints, Madeleine reflechit a ce que son
oncle lui avait demande.
Qu'on ne voulut pas payer les dettes de son pere, c'etait ce qu'elle ne
comprenait pas. Son oncle, elle en etait convaincue, etait un honnete
homme, et ce qui valait mieux que ce quelle pouvait croire, c'etait la
reputation de probite commerciale dont il jouissait. D'autre part, il
poussait jusqu'a l'orgueil la fierte de son nom. Alors comment se
faisait-il qu'il ne voulut pas payer integralement les dettes de son
propre frere, et qu'il s'abaissat a chercher un arrangement avec les
creanciers de celui-ci?
Pendant de longues heures elle chercha les raisons qui pouvaient le
determiner a proceder ainsi: il ne croyait point que ce que l'on
reclamait a la succession de son frere fut du reellement, avait-il dit.
Mais qu'importait? ce n'etait pas cette succession qui etait engagee,
c'etait la memoire de ce frere.
Ce que son oncle n'avait pas fait, elle devait donc le faire elle-meme.
Mais comment payer cinquante ou soixante mille francs, alors qu'on ne
possede rien?
Sans doute, il y avait un moyen qui se presentait a elle, et qui
tres-probablement reussirait,--c'etait d'accepter Saffroy pour mari.
Qu'elle allat a lui et franchement qu'elle lui dit: "Je serai votre
femme si vous voulez prendre l'engagement de payer les dettes de mon
pere avec la dot ou plutot sur la dot que mon oncle me donnera", et il
semblait raisonnable de penser que Saffroy ne refuserait pas; si ce
n'etait pas l'amour, ce serait l'interet qui lui dirait d'accepter cette
condition.
Mais pour agir ainsi il eut fallu qu'elle fut libre, et elle ne l'etait
pas.
Pour donner sa vie en echange de l'honneur de son pere, il eut fallu
qu'elle fut maitresse de cette vie, et elle ne lui appartenait pas.
Ce n'etait plus l'heure des menagements et des compromis avec soi-meme,
et eut-elle voulu encore fermer les yeux qu'elle ne l'eut pas pu, les
paroles de son oncle les lui ayant ouverts: elle aimait Leon.
Dans sa purete virginale elle avait repousse cet aveu chaque fois que de
son coeur il lui etait monte aux lev
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