en marier, et aussi ne pas nous separer
de toi. Ce double desir, nous croyons avoir trouve le moyen de le
realiser. Ne devines-tu pas comment?
Madeleine ne repondit pas. Peut-etre, en attendant, trouverait-elle une
reponse qui ne blesserait pas sa tante. Elle attendit donc.
--Le projet de ton oncle et le mien, continua madame Haupois Daguillon,
c'est de te donner Saffroy pour mari.
Prevenue, Madeleine ne broncha pas.
--Tu ne dis rien?
--Je n'ai qu'une chose a dire, c'est que je desire ne pas me marier.
--En ce moment, je te repete que nous comprenons cela. Mais je ne parle
pas de demain. Je parle de l'avenir.
Cette ouverture fut pour elle un sujet de douloureuses pensees; que
diraient son oncle et sa tante lorsqu'elle declarerait qu'elle ne
voulait pas accepter Saffroy? Ne verraient-ils pas dans cette reponse
une marque d'ingratitude? Et alors la tendresse qu'ils lui temoignaient,
et qui etait si douce a son coeur brise, ne se changerait-elle pas en
froideur? Elle n'etait pas leur fille; et si elle voulait etre aimee
d'eux il fallait qu'elle se fit aimer, et c'etait prendre une mauvaise
route pour arriver au but que de les contrarier et de les blesser.
Comme elle cherchait, sans les trouver, helas! les raisons qui
pourraient convaincre son oncle et sa tante qu'ils ne devaient pas se
facher de son refus, elle recut de Rouen une lettre qui, tout en lui
causant un tres-vif chagrin, lui parut propre a rompre completement tout
projet de mariage avec Saffroy.
Quelques jours auparavant, son oncle lui avait remis une liasse de
papiers qui etaient les recus des sommes dues par son pere.
--Je t'avais promis de mener a bien le reglement des affaires de ton
pauvre pere, j'ai tenu ma promesse, tu trouveras dans cette liasse que
tu devras conserver avec soin, les recus pour solde,--il avait souligne
ce mot,--de ses creanciers, de tous ses creanciers.
Elle s'etait jetee alors dans ses bras et, ne trouvant pas de paroles
pour lui exprimer sa reconnaissance, elle l'avait tendrement embrasse.
L'honneur de son pere etait sauf et c'etait a son oncle qu'elle le
devait. Il avait tout paye puisque les creanciers, tous les creanciers
avaient signe des quittances pour solde: on ne donne des quittances que
contre argent.
La lettre de Rouen lui prouva qu'en raisonnant ainsi, elle se trompait
et connaissait mal les affaires.
Elle etait d'une vieille dame, cette lettre, avec qui Madeleine s'etait
trouvee assez souvent
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