elle l'avait espere; Saffroy ne
montra aucun decouragement, et, comme elle persistait dans sa reserve et
sa froideur, sa tante intervint entre eux.
--Que t'a donc fait Saffroy? lui demanda-t-elle un soir que le jeune
commis avait ete tenu a distance avec plus de raideur encore que de
coutume.
--Mais rien.
--Alors, mon enfant, permets-moi de te dire que je te trouve bien
hautaine avec lui.
--Hautaine!
--Dure, si tu aimes mieux, raide et cassante. Saffroy, tu le sais, est
notre ami bien plus que notre employe; il a toute notre confiance. Et
j'ajoute qu'il la merite pleinement sous tous les rapports, il merite
d'etre aime; jeune, beau garcon, intelligent, instruit, il rendra
heureuse la femme qu'il epousera et il lui donnera une belle position
dans le monde.
Disant cela elle regarda Madeleine avec attention, l'enveloppant
entierement d'un coup d'oeil profond.
Puis, apres un moment de reflexion, elle continua:
--Puisque nous avons parle de Saffroy, il convient d'aller jusqu'au
bout, dit-elle.
Et, lui prenant les deux mains, elle l'attira vers elle, de maniere a la
bien tenir sous ses yeux:
--Tu n'as pas oublie que nous t'avons dit que tu serais notre fille. Ce
role que nous voulons prendre dans ta vie nous impose des obligations
serieuses; la premiere et la plus importante est de penser a ton avenir,
c'est-a-dire a ton mariage.
--Mais ma tante....
--Pour une jeune fille toute l'existence n'est-elle pas dans le mariage?
Tu veux me dire sans doute que ce n'est point en ce moment que tu peux
songer au mariage. Nous partageons ton sentiment. Mais nous serions
coupables, tu en conviendras, si nous n'avions souci que de l'heure
presente; nous devons nous preoccuper du lendemain, et c'est ce que nous
faisons.
Madeleine ecoutait avec inquietude, car elle ne voyait que trop
clairement ou l'entretien allait aboutir.
--En raisonnant ainsi, continua madame Haupois-Daguillon, nous ne
voulons pas, comme certains parents egoistes, nous decharger au plus
vite de la responsabilite qui nous incombe, et il n'est nullement dans
nos intentions d'avancer le jour ou nous nous separerons. Nous t'aimons,
ton oncle et moi, avec tendresse, et ce sera un chagrin pour nous que
cette separation, un chagrin tres-vif, je t'assure. Cela dit, je reviens
a Saffroy dont, en realite, je ne me suis pas eloignee autant que
l'incoherence de mes paroles peut te le faire supposer. Nous avons donc
un double desir: te marier, te bi
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