ient a deux fois
avant de s'aventurer dans les rues ou les places publiques. Il est, en
effet, impossible de se figurer le laisser-aller plein de desinvolture
et d'insouciance de ces bons _picchiotti_ et montagnards, qui
promenaient partout leurs escopettes chargees, amorcees et armees. De
quelque cote que l'on se tournat, en avant, en arriere, sur le flanc
droit ou sur le flanc gauche, on etait toujours sur d'etre regarde en
face par une arme a feu quelconque, au chien releve, a la petite capsule
brillant au soleil. Or, comme on connaissait les qualites de ces armes,
qui partaient tres-volontiers au repos, leur voisinage etait peu
agreable. A tout instant on entendait, dans les rues, des detonations
qui faisaient courir le monde: c'etait toujours un _picchiotti_ etourdi
qui, ici, venait de casser la jambe a un homme, la, de tuer une femme
allaitant son enfant. Les plus adroits se contentaient de blesser les
anes ou de briser les vitres d'un magasin.
Dans la campagne, c'etait mieux encore. Une fois l'ennemi parti, chacun
aurait rougi de ne pas se montrer arme jusqu'aux dents. Il n'y avait pas
jusqu'aux maraichers qui n'apportassent leurs choux et leurs carottes en
compagnie d'une canardiere ou deux. Cela a dure longtemps; mais les plus
belles choses ont une fin. Sans froisser trop ouvertement et d'un seul
coup l'amour de ces braves gens pour leurs armes favorites, on commenca
par leur signifier qu'ils n'eussent a circuler dans la ville qu'avec
leurs chefs particuliers. Un caporal etait, au moins, de rigueur. Puis
on les engagea a aller promener leurs armes dans les montagnes, ou le
grand air leur ferait du bien. On ne manqua cependant pas d'offrir, a
ceux qui voulaient faire au pays le sacrifice de leur vie, de s'engager
dans les troupes regulieres, ou dans la legion anglo-sicilienne. Mais
c'etait une affaire de pure politesse, car fort peu se sentirent pris
d'une passion assez belliqueuse pour suivre le nouveau drapeau du pays.
N'y avait-il pas la, tout pres, avec son grand air et sa liberte, la
montagne et les bandes de pillards et de voleurs de grands chemins qui
s'organisaient un peu partout, car les troupes royales avaient eu soin
de lacher par monts et par vaux tous les voleurs, galeriens et autres
gens declasses qui fourmillaient dans les prisons de Palerme.
Des le lendemain de l'evacuation, un decret municipal appela toutes les
corporations de la ville et toutes les pelles, pioches, brouettes,
pinces disponib
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