ait leur etre
paye en arrerages, lorsque l'etat de la caisse le permettrait. Quant au
service des hopitaux et des ambulances, c'etait encore, il faut
l'avouer, ce qui laissait le plus a desirer. La population palermitaine
y mettait peu du sien, et l'empressement etait minime pour recevoir les
blesses dans les maisons particulieres ou leur porter des secours, soit
en nature, soit en argent. Deja mal organises, les hopitaux eux-memes,
accables par ce surcroit de malades ou de blesses, n'offraient presque
aucune ressource aux malheureux qui venaient y chercher des soins et des
pansements.
On ne se serait jamais imagine, certes, a voir l'egoisme de la
population et sa froideur, qu'il s'agissait de leurs sauveurs ou, tout
au moins, de leurs liberateurs. Pas un inspecteur, pas un chef de
service ne surveillait les hospices ni les blesses a domicile. Ce qui
est pire encore, ils etaient le plus generalement oublies dans la
repartition de la paye. Quelques-uns manquaient de tout et la plus
grande partie etaient obliges de se contenter de bien peu; heureux
encore lorsque le linge ne venait pas faire defaut aux blesses.
La garde nationale avait ete organisee des l'entree de Garibaldi dans
Palerme; mais elle etait generalement assez mal vue par lui. Il
n'appreciait pas au juste la valeur des services qu'elle pouvait etre
appelee a rendre dans un moment donne. Le Dictateur disait qu'il lui
fallait des soldats et non des avocats. Cependant elle finit par prendre
un peu d'importance, car il faut convenir qu'elle montra une grande
fermete en plusieurs circonstances difficiles.
Une affreuse cohue se dirigeait un soir vers la porte du Palazzo-Reale
en traversant la place. Des cris de mort et des hurlements de vengeance
sortaient de cette foule armee de toutes sortes de choses et eclairee
par des torches au reflet rougeatre et sanglant. Un malheureux, deja
blesse a la tete, etait traine, la corde au cou, par un horrible
Quasimodo, espece de bete feroce, bossue, tortue et bancale.
Les miserables qui entouraient la victime brandissaient a chaque instant
sur sa tete des coutelas de toute nature. On entendait, dans cette
foule, des sifflements inexplicables, semblables au bruit que ferait une
forte fusee en s'elancant dans les airs.
En voyant ce rassemblement a l'aspect sauvage, le poste de la garde
nationale prit les armes et, a l'instant ou, arrives vis-a-vis le
Palais-Royal, ces massacreurs allaient sans doute immoler leur victim
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