rangues est representee par des treteaux de saltimbanque.
Le peuple roi se compose d'une centaine ou deux de particuliers plus ou
moins heteroclites, et le grand orateur est un monsieur en vareuse
rouge. Quelquefois, ce dernier etait le _padre_ Gavazzi, cordelier
defroque, homme eminemment eloquent, au dire des Siciliens et autres
Italiens, je veux dire Piemontais. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il
criait beaucoup. Quelques autres fois, c'etait le _padre_ Pantaleone, le
chapelain de Garibaldi, le cordelier de Calatafimi. Lui aussi ne
manquait pas d'une certaine eloquence, et, de plus, il prechait a
l'ombre des voutes religieuses. C'etait dans la cathedrale que ses
conferences avaient lieu. Puis, il y eut les manifestations, produit
exclusivement indigene.
Ben-Saia, brave homme s'il en fut jamais, qui, dans toutes les
tentatives revolutionnaires de la Sicile, a fait sa partie, sacrifiant a
la liberte, son idole, fortune et famille; Ben-Saia apparaissait sur la
strada Ferdinanda, brandissant le drapeau national. Immediatement la
foule l'entourait, vite une demonstration a la cathedrale! Une musique!
Celle-ci etait vite trouvee. Alors au pas de charge, agitant les
chapeaux, les mouchoirs, appelant les dames aux balcons, le cortege
s'ebranlait, faisant la pelote de neige tout le long de la route,
arrivait comme un torrent a la porte de la cathedrale que le bedeau
s'empressait d'ouvrir a deux battants. La foule s'y precipitait, comme
un fleuve deborde, ne s'arretant qu'a la balustrade du maitre-autel. On
se hatait d'allumer tous les lampions et cierges disponibles. Pendant
ces preparatifs, la cohue s'agitait tumultueusement dans l'eglise avec
le va-et-vient d'une mer houleuse et un brouhaha a ne pas s'entendre.
Puis, eclatait un air de musique, le plus vigoureux possible. Aussitot
apres, les casquettes, les mouchoirs, les bras, les jambes reprenaient
leur office aux cris repetes cent cinquante fois de: _Viva la Italia!
Viva la liberta! Viva Garibaldi! Viva Gavazzi! Viva la liberta! Viva
Dumas! Viva il Re Galantuomo!_ etc, etc.
Quand on avait ainsi bien crie, et que tout le monde avait la pepie, la
musique detalait, Ben-Saia la suivait, la foule emboitait le pas, on
faisait le tour par le Corso et insensiblement chacun rentrait chez soi,
pendant que le bedeau eteignait ses cierges, refermait precipitamment la
porte de son eglise, et, de peur d'une deuxieme ceremonie analogue a
celle-ci, se hatait de mettre la clef sou
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