a hate, administrent provisoirement au nom du Dictateur aussi bien
qu'ils le peuvent, et tachent, par des requisitions d'approvisionnements
de toute espece, de suppleer au defaut d'argent qui se fait surtout
sentir dans l'armee independante.
De toutes parts, les soldats royaux, pas honteux et peu confus, s'en
retournent tranquillement dans leurs foyers; une partie de leurs
officiers, decides a servir leur patrie, et plus militaires que leurs
soldats, attendent impatiemment une occasion pour reprendre du service
et etre cases dans l'armee meridionale. On apercoit partout de nombreux
placards, imprimes qui sait ou, probablement en Piemont, et sur lesquels
se lisent en grosses lettres d'une encre tres-noire: _Annexion et
Victor-Emmanuel!_ Dans beaucoup d'endroits ces pancartes ont un si
maigre succes qu'elles disparaissent promptement. Dans les campagnes,
les populations ebouriffees ont aussi, comme partout en pareille
circonstance, abandonne leurs champs et laisse leur betail se promener
a l'aventure, pour venir, masses a l'entree de leurs villages, ou
groupes sur les grandes routes, politiquer et se raconter les uns aux
autres les batailles les plus incroyables, les nouvelles les plus
bizarres qu'on puisse imaginer. Dans les villes, c'est a peu pres la
meme chose, peut-etre pis, le soldat citoyen envahit tout; il n'y a plus
de boutiquiers, il n'y a plus que des braves tout prets a se lever comme
un seul homme pour la defense de l'ordre et de la liberte attendue
depuis si longtemps.
Au Faro, de l'autre cote du detroit, tout parait triste et desert, plus
de ces gais et insouciants volontaires dormant au soleil, chantant a la
lune, souffrant toutes les privations sans se plaindre, mangeant ce
qu'ils trouvaient, buvant sans sourciller de l'eau saumatre, prenant
enfin tout en patience, pourvu qu'en un temps donne il leur soit permis
de verser leur sang pour la liberte de la patrie. A peine quelques
canonniers, restes pour le service des batteries, promenent-ils de ca de
la, leur ennui et leur chagrin de n'avoir pu suivre leurs camarades.
Cette longue plage, qui du Faro s'etend jusqu'a Messine, n'est plus
animee que par quelques barques de pecheurs d'espadons qui sillonnent
rapidement le detroit. Enfin le calme est redevenu si general que tout
le monde, jusqu'aux canons, a l'air de sommeiller.
Seule la citadelle de Messine, persistant a montrer toujours ses longues
dents noires a travers les dechiquetures de son parapet,
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