Ces divisions comptaient environ dix mille hommes avec artillerie et
cavalerie. Depuis longtemps deja, cette armee etait campee au meme
endroit et y avait accumule de grands moyens de resistance. Elle
occupait le sommet de deux plateaux, appuyant sa droite a un telegraphe
et ayant son front defendu par un profond ravin. De plus, elle tenait sa
communication avec le fort de Pezzo.
Pendant que les deux brigades commandees par le Dictateur executaient
leur mouvement, les troupes de Cosenz qui, apres l'affaire de Solano,
avaient rapidement continue leur marche, commencaient a montrer leurs
eclaireurs sur les sommets des plateaux en arriere de l'armee
napolitaine. On apercut bientot leurs tetes de colonnes; puis, on vit
ces troupes operer le mouvement contraire a celui du general Garibaldi,
c'est-a-dire s'etendre sur sa droite en prolongeant les derrieres de
l'armee napolitaine de maniere a la cerner tout a fait et a lui couper
la retraite sur les forts de Pezzo et de Scylla.
Apres des efforts inouis, les artilleurs de l'armee de Garibaldi etaient
venus a bout de hisser sur la montagne, a force de bras et par des
chemins epouvantables, quatre pieces d'artillerie. Pendant que ces
diverses manoeuvres avaient lieu, les royaux demeuraient dans leur camp
sans faire un seul mouvement ni defensif ni offensif. Leurs pieces en
batterie restaient silencieuses, meme en voyant les chasseurs de
Menotti venir en eclaireurs jusqu'a deux cents metres de leur camp. A
trois heures de l'apres-midi, le tour etait fait et les Napolitains
completement isoles et coupes de leur base d'operation et de retraite.
Insensiblement les lignes de l'armee independante se resserrerent. Il
n'y avait plus a hesiter pour l'armee royale. Apres s'etre laisse
tranquillement entourer, il fallait prendre un parti, mettre bas les
armes ou se frayer une route sanglante au milieu des casaques rouges et
racheter ainsi, par un trait de courage, l'ineptie ou la trahison des
generaux.
Malheureusement pour elles, la comme presque partout, les troupes
royales n'eurent que le courage de leur opinion, et leur profonde
horreur pour la bataille leur fit prendre le parti, certes le moins
dangereux, de decamper au plus vite et dans toutes les directions,
abandonnant armes et bagages, effets et drapeaux.
Ce fut une debandade inouie, une fuite insensee que rien ne pouvait
arreter.
Toute cette cohue, en pantalons de toile bleue et en vestes, se prit a
courir a la fois au
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