vous connaissez a ce sujet ma sincerite), j'oserai vous
dire que je ne suis pas convaincue de l'inferiorite des femmes, meme
sous ce rapport-la. Dirai-je en avoir rencontre qui eussent ete capables
de vous ecouter, de vous suivre et de vous comprendre des heures
entieres? Je n'ai pas le droit de l'affirmer: ce serait m'attribuer la
competence d'un pareil jugement; mais, dans mon instinct et dans ma
conscience, je le crois. Il est vrai que ces femmes-la ont vecu a
l'ombre comme des fleurs et n'ont point porte de petitions a la Chambre.
Ne me trouvez-vous pas, monsieur, bien imbue, aujourd'hui, _de l'esprit
de corps?_ C'est tres desinteresse de ma part; car je n'ai fait aucune
etude serieuse sur mon intelligence et je n'ai jamais ete mue que par le
sentiment. En outre, j'ai beaucoup plus souffert de l'absurdite et de la
malice des femmes que de celles des hommes.
Mais j'ai toujours attribue cette inferiorite de fait, qui existe en
general, a l'inferiorite qu'on veut consacrer eternellement en principe
pour abuser de la faiblesse, de l'ignorance, de la vanite, en un mot de
tous les travers que l'education nous donne. Rehabilitees a demi par la
philosophie chretienne, nous avons besoin de l'etre encore davantage.
Comme nous vous comptons parmi nos saints, comme vous etes le pere de
notre Eglise nouvelle, nous sommes toutes desolees et toutes decouragees
quand, au lieu de nous benir et d'elever notre intelligence, vous nous
dites un peu sechement: "Arriere, mes bonnes filles, vous etes toutes de
vraies sottes!"
Je reponds pour mes soeurs: "C'est la verite, maitre; mais
enseignez-nous a ne plus etre sottes!"
Le moyen n'est pas de nous dire que le mal tient a notre nature, mais
qu'il resulte de la maniere dont votre sexe nous a gouvernees jusqu'ici.
Si nous demandons a Dieu l'intelligence, il nous la donnera peut-etre,
sans nous donner pour cela de la barbe, et alors vous serez bien
attrapes a votre tour.
Il me faut bien du courage pour plaisanter avec vous, monsieur, lorsque
mon coeur est navre des souffrances que vous endurez dans la prison. Si
je l'ose, c'est parce que je connais votre inalterable serenite, ce fond
de gaiete que vous avez, et qui est a mes yeux la plus admirable preuve
de votre bonte et de votre candeur.
Vous avez voulu subir ce martyre: c'est bien de la bonte que vous avez
pour une generation si legere et si froide. Tout en vous admirant, je ne
puis vous approuver d'exposer votre sante et vot
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