e prison une
lecon incisive, comme on me l'a donne a entendre de toutes parts, je
l'aurais acceptee, non pas sans douleur, mais du moins sans amertume.
Le bon ami Gaubert[1] a du vous le dire, et je suis sure qu'au fond de
votre coeur vous n'en avez jamais doute. Je crois, je persiste a croire
que je suis fort desservie aupres de vous, et on aurait pu m'attribuer
de telles paroles ou de telles pensees, qu'elles eussent ferme votre ame
a toute estime et a toute confiance envers tout ce qui ne porte pas de
_barbe au menton_.
Je sais autour de vous des gens qui ne se font pas faute de me calomnier
avec un acharnement qui m'afflige sans m'irriter, parce que cette haine
gratuite me parait tenir de l'hypocondrie et presque de la demence.
Quelquefois, dans les plus folles declamations, il y a une sorte
d'habilete (c'est un caractere de la maladie appelee _haine_) qui impose
aux ames les plus nobles et aux esprits les plus fermes. Je n'ai jamais
pu penser que cette sorte d'anatheme, lance par vous _sans exception_
sur notre sexe, fut une action lache et mechante.
J'ose a peine repeter les mots dont vous vous servez dans votre
indignation genereuse, quand je songe que c'est vous qui etes en cause,
vous, monsieur, qui etes l'objet d'une veneration religieuse de ma
part, et de celle de tout ce qui m'entoure. Si j'avais juge ainsi votre
severite, je n'aurais jamais eu besoin de l'explication que vous voulez
bien me donner; car je n'aurais jamais eu le moindre doute sur vos
intentions.
J'ai craint seulement, je le repete, un de ces mouvements de colere
paternelle que vous eprouvez quand vous croyez la justice et la verite
meconnues, et que, grace a Dieu et heureusement pour notre siecle,
vous ne savez pas reprimer. Soyez certain que, si telle eut ete votre
inspiration, quoique je ne me sentisse pas frappee avec clairvoyance
et justice, a certains egards j'aurais respecte votre pensee et votre
intention, comme je respecte tout ce qui vient de vous.
Je dis _a certains egards_; car, au manque de logique et de raisonnement
que vous nous reprochez, je puis vous jurer, par l'affection que je vous
porte, qu'en ce qui me concerne personnellement, je reconnais de bon
coeur et tres gaiement que vous avez grandement raison. Le reproche
m'eut blessee dans le cas ou j'aurais eu la pretention d'etre ce que
je ne suis pas, et j'avoue n'avoir jamais compris qu'on put mettre son
bonheur ou sa dignite a sortir de son role.
Cela pose (et
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