nsibles dans une langue inconnue, et avec tous les signes de la
joie la plus effrenee et la plus cruelle. Plein de fureur, il se jeta sur
vous; mais vous vous etiez deja envolee en fumee, et il s'eveilla baigne
de sueur et transporte de colere. Il m'eveilla moi-meme car ses cris et
ses imprecations faisaient retentir la voute de sa cellule. J'eus beaucoup
de peine a lui faire raconter son reve, et j'en eus plus encore a
l'empecher d'y voir un sens reel de ma destinee future. Je ne pouvais le
convaincre aisement; car j'etais moi-meme sous l'empire d'une exaltation
d'esprit tout a fait maladive, et je n'avais jamais tente jusqu'alors de
le dissuader lorsque je le voyais ajouter foi a ses visions et a ses
songes. Cependant j'eus lieu de croire, dans le jour qui suivit cette
nuit agitee, qu'il ne s'en souvenait pas, ou qu'il n'y attachait aucune
importance; car il n'en dit plus un mot, et lorsque je le priai d'aller
vous parler de moi, il ne fit aucune resistance ouverte. Il ne pensait
pas que vous eussiez jamais la pensee ni la possibilite de venir me
chercher ou j'etais, et son delire ne se reveilla que lorsqu'il vous vit
l'entreprendre. Toutefois il ne me montra sa haine contre vous qu'au
moment ou nous le rencontrames a notre retour par les galeries
souterraines. C'est alors qu'il me dit laconiquement en bohemien que
son intention et sa resolution etaient de me delivrer de vous (c'etait
son expression), et de vous _detruire_ la premiere fois qu'il vous
rencontrerait seule, parce que vous etiez le fleau de ma vie, et que vous
aviez ma mort ecrite dans les yeux. Pardonnez-moi de vous repeter les
paroles de sa demence, et comprenez maintenant pourquoi j'ai du l'eloigner
de vous et de moi. N'en parlons pas davantage, je vous en supplie; ce
sujet de conversation m'est fort penible. J'ai aime Zdenko comme un autre
moi-meme. Sa folie s'etait assimilee et identifiee a la mienne, au point
que nous avions spontanement les memes pensees, les memes visions, et
jusqu'aux memes souffrances physiques. Il etait plus naif, et partant plus
poete que moi; son humeur etait plus egale, et les fantomes que je
voyais affreux et menacants, il les voyait doux et tristes a travers
son organisation plus tendre et plus sereine que la mienne. La grande
difference qui existait entre nous deux, c'etait l'irregularite de mes
acces et la continuite de son enthousiasme. Tandis que j'etais tour a tour
en proie au delire ou spectateur froid et consterne de m
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