menace.
--Et pour tout ce qui t'adore, sans doute? Eh bien, soit. Mourir a tes
yeux, mourir a tes pieds; oh! je ne demande que cela. J'y serai a minuit;
resiste, et tu ne feras que hater ma perte.
--Vous partez demain, et vous ne prenez conge de personne? dit Consuelo en
voyant qu'il saluait le comte et la chanoinesse sans leur parler de son
depart.
--Non, dit-il; ils me retiendraient, et, malgre moi, voyant tout conspirer
pour prolonger mon agonie, je cederais. Tu leur feras mes excuses et mes
adieux. Les ordres sont donnes a mon guide pour que mes chevaux soient
prets a quatre heures du matin."
Cette derniere assertion etait plus que vraie. Les regards singuliers
d'Albert depuis quelques heures n'avaient pas echappe a Anzoleto. Il
etait resolu a tout oser; mais il se tenait pret pour la fuite en cas
d'evenement. Ses chevaux etaient deja selles dans l'ecurie, et son guide
avait recu l'ordre de ne pas se coucher.
Rentree dans sa chambre, Consuelo fut saisie d'une veritable epouvante.
Elle ne voulait point recevoir Anzoleto, et en meme temps elle craignait
qu'il fut empeche de venir la trouver. Toujours ce sentiment double, faux,
insurmontable, tourmentait sa pensee, et mettait son coeur aux prises avec
sa conscience. Jamais elle ne s'etait sentie si malheureuse, si exposee,
si seule sur la terre. "O mon maitre Porpora, ou etes-vous? s'ecriait-elle.
Vous seul pourriez me sauver; vous seul connaissez mon mal et les perils
auxquels je suis livree. Vous seul etes rude, severe, et mefiant, comme
devrait l'etre un ami et un pere, pour me retirer de cet abime ou je
tombe!... Mais n'ai-je pas des amis autour de moi? N'ai-je pas un pere dans
le comte Christian? La chanoinesse ne serait-elle pas une mere pour moi, si
j'avais le courage de braver ses prejuges et de lui ouvrir mon coeur? Et
Albert n'est-il pas mon soutien, mon frere, mon epoux, si je consens a dire
un mot! Oh! oui, c'est lui qui doit etre mon sauveur; et je le crains!
et je le repousse!... Il faut que j'aille les trouver tous les trois,
ajoutait-elle en se levant et en marchant avec agitation dans sa chambre.
Il faut que je m'engage avec eux, que je m'enchaine a leurs bras
protecteurs, que je m'abrite sous les ailes de ces anges gardiens. Le
repos, la dignite, l'honneur, resident avec eux; l'abjection et le
desespoir m'attendent aupres d'Anzoleto. Oh! oui! il faut que j'aille leur
faire la confession de cette affreuse journee, que je leur dise ce qui se
|