ait autant de mon cote.
--Si vous etes aussi obligeant que poli, lui repondit Consuelo en prenant
un ton maternel, vous allez me rendre un petit service.
--Tout ce que vous voudrez, reprit le jeune voyageur, a qui le son de voix
de Consuelo parut egalement agreable et penetrant.
--Vous allez me vendre un petit morceau de votre dejeuner, repartit
Consuelo, si vous le pouvez sans vous priver.
--Vous le vendre! s'ecria l'enfant tout surpris et en rougissant: oh! Si
j'avais un dejeuner, je ne vous le vendrais pas! je ne suis pas aubergiste;
mais je voudrais vous l'offrir et vous le donner.
--Vous me le donnerez donc, a condition que je vous donnerai en echange de
quoi acheter un meilleur dejeuner.
--Non pas, non pas, reprit-il. Vous moquez-vous? Etes-vous trop fiere pour
accepter de moi un pauvre morceau de pain? Helas! vous voyez, je n'ai que
cela a vous offrir.
--Eh bien, je l'accepte, dit Consuelo en tendant la main; votre bon coeur
me ferait rougir d'y mettre de la fierte.
--Tenez, tenez! ma belle demoiselle, s'ecria le jeune homme tout joyeux.
Prenez le pain et le couteau, et taillez vous-meme. Mais n'y mettez pas de
facons, au moins! Je ne suis pas gros mangeur, et j'en avais la pour toute
ma journee.
--Mais aurez-vous la facilite d'en acheter d'autre pour votre journee?
--Est-ce qu'on ne trouve pas du pain partout? Allons, mangez donc, si vous
voulez me faire plaisir!"
Consuelo ne se fit pas prier davantage; et, sentant bien que ce serait mal
reconnaitre l'elan fraternel de son amphitryon que de ne pas manger en sa
compagnie, elle se rassit non loin de lui, et se mit a devorer ce pain, au
prix duquel les mets les plus succulents qu'elle eut jamais goutes a la
table des riches lui parurent fades et grossiers.
"Quel bon appetit vous avez! dit l'enfant; cela fait plaisir a voir. Eh
bien, j'ai du bonheur de vous avoir rencontree; cela me rend tout content.
Tenez, croyez-moi, mangeons-le tout; nous retrouverons bien une maison sur
la route aujourd'hui, quoique ce pays semble un desert.
--Vous ne le connaissez donc pas? dit Consuelo d'un air d'indifference.
--C'est la premiere fois que j'y passe, quoique je connaisse la route de
Vienne a Pilsen, que je viens de faire, et que je reprends maintenant pour
retourner la-bas.
--Ou, la-bas? a Vienne?
--Oui, a Vienne; est-ce que vous y allez aussi?"
Consuelo, incertaine si elle accepterait ce compagnon de voyage, ou si elle
l'eviterait, feignit
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