ayer en se servant tout de suite du
dialecte familier a Consuelo. Est-ce qu'il y a longtemps que vous l'avez
quitte?
--Six mois seulement.
--Et vous courez le pays en jouant du violon?
--Non; c'est lui qui accompagne, repondit Consuelo en montrant Joseph; moi
je chante.
--Et vous ne jouez d'aucun instrument? ni hautbois, ni flute, ni tambourin?
--Non; cela m'est inutile.
--Mais si vous etes bon musicien, vous apprendriez facilement, n'est-ce
pas?
--Oh! certainement, s'il le fallait!
--Mais vous ne vous en souciez pas?
--Non, j'aime mieux chanter.
--Et vous avez raison; cependant vous serez force d'en venir la, ou de
changer de profession, du moins pendant un certain temps.
--Pourquoi cela, Monsieur?
--Parce que votre voix va bientot muer, si elle n'a commence deja. Quel age
avez-vous? quatorze ans, quinze ans, tout au plus?
--Quelque chose comme cela.
--Eh bien, avant qu'il soit un an, vous chanterez comme une petite
grenouille, et il n'est pas sur que vous redeveniez un rossignol. C'est
une epreuve douteuse pour un garcon que de passer de l'enfance a la
jeunesse. Quelquefois on perd la voix en prenant de la barbe. A votre
place, j'apprendrais a jouer du fifre; avec cela on trouve toujours a
gagner sa vie.
--Je verrai, quand j'en serai la.
--Et vous, mon brave? dit M. Mayer en s'adressant a Joseph en allemand, ne
jouez-vous que du violon?
--Pardon, Monsieur, repondit Joseph qui prenait confiance a son tour en
voyant que le bon Mayer ne causait aucun embarras a Consuelo; je joue un
peu de plusieurs instruments.
--Lesquels, par exemple?
--Le piano, la harpe, la flute; un peu de tout quand je trouve l'occasion
d'apprendre.
--Avec tant de talents, vous avez grand tort de courir les chemins comme
vous faites; c'est un rude metier. Je vois que votre compagnon, qui est
encore plus jeune et plus delicat que vous, n'en peut deja plus, car il
boite.
--Vous avez remarque cela? dit Joseph qui ne l'avait que trop remarque
aussi, quoique sa compagne n'eut pas voulu avouer l'enflure et la
souffrance de ses pieds.
--Je l'ai tres-bien vu se trainer avec peine jusqu'au bateau, reprit Mayer.
--An! que voulez-vous, Monsieur! dit Haydn en dissimulant son chagrin sous
un air d'indifference philosophique: on n'est pas ne pour avoir toutes ses
aises, et quand il faut souffrir, on souffre!
--Mais quand on pourrait vivre plus heureux et plus honnete en se fixant!
Je n'aime pas a voir des
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