jours precedents. Ils rencontrerent enfin un abordage auquel
etait amarree une petite barque gardee par un enfant. Ils hesiterent un
peu a s'en approcher, en voyant plusieurs personnes s'en approcher avant
eux et marchander le passage. Ces hommes se diviserent apres s'etre dit
adieu. Trois se preparerent a suivre la rive septentrionale de la Moldaw,
tandis que les deux autres entrerent dans le bateau. Cette circonstance
determina Consuelo.
"Rencontre a droite, rencontre a gauche, dit-elle a Joseph; autant vaut
traverser, puisque c'etait notre intention."
Haydn hesitait encore et pretendait que ces gens avaient mauvaise mine, le
parler haut et des manieres brutales, lorsqu'un d'entre eux, qui semblait
vouloir dementir cette opinion defavorable, fit arreter le batelier, et,
s'adressant a Consuelo:
"He! mon enfant! approchez donc, lui cria-t-il en allemand et en lui
faisant signe d'un air de bienveillance enjouee; le bateau n'est pas bien
charge, et vous pouvez passer avec nous, si vous en avez envie.
--Bien oblige, Monsieur, repondit Haydn; nous profiterons de votre
permission.
--Allons, mes enfants, reprit celui qui avait deja parle, et que son
compagnon appelait M. Mayer; allons, sautez!"
Joseph, a peine assis dans la barque, remarqua que les deux inconnus
regardaient alternativement Consuelo et lui avec beaucoup d'attention et
de curiosite. Cependant la figure de ce M. Mayer n'annoncait que douceur
et gaiete; sa voix etait agreable, ses manieres polies, et Consuelo prenait
confiance dans ses cheveux grisonnants et dans son air paternel.
"Vous etes musicien, mon garcon? dit-il bientot a cette derniere.
--Pour vous servir, mon bon Monsieur, repondit Joseph.
--Vous aussi? dit M. Mayer a Joseph; et, lui montrant Consuelo:--C'est
votre frere, sans doute? ajouta-t-il.
--Non, Monsieur, c'est mon ami, dit Joseph; nous ne sommes pas de meme
nation, et il entend peu l'allemand.
--De quel pays est-il donc? continua M. Mayer en regardant toujours
Consuelo.
--De l'Italie, Monsieur, repondit encore Haydn.
--Venitien, Genois, Romain, Napolitain ou Calabrais? dit M. Mayer en
articulant chacune de ces denominations dans le dialecte qui s'y rapporte,
avec une admirable facilite.
--Oh! Monsieur, je vois bien que vous pouvez parler avec toutes sortes
d'Italiens, repondit enfin Consuelo, qui craignait de se faire remarquer
par un silence prolonge; moi je suis de Venise.
--Ah! c'est un beau pays! reprit M. M
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