lein de Fuchs, de Rameau
et de ses auteurs classiques, il gouta moins ce genre de composition et
cette maniere de les rendre. Il trouva que le baron etait un barbare du
Nord, et ses deux proteges des ecoliers assez intelligents, mais qu'il
serait force de tirer, par ses lecons, de la crasse de l'ignorance. Sa
manie etait de former lui-meme ses artistes, et il dit d'un ton sentencieux
en secouant la tete:
"II y a du bon; mais il y aura beaucoup a reprendre. Allons! allons! Nous
corrigerons tout cela!"
Il se figurait que Joseph et Consuelo lui appartenaient deja, et faisaient
partie de sa chapelle. Il pria ensuite Haydn de jouer du violon; et comme
celui-ci n'avait aucun sujet de cacher son talent, il dit a merveille
un air de sa composition qui etait remarquablement bien ecrit pour
l'instrument. Le comte fut, cette fois, tres-satisfait.
"Toi, dit-il, ta place est trouvee. Tu seras mon premier violon, tu feras
parfaitement mon affaire. Mais tu t'exerceras aussi sur la viole d'amour.
J'aime par-dessus tout la viole d'amour. Je t'enseignerai comment on en
tire parti.
--Monsieur le baron est-il content aussi de mon camarade? dit Consuelo a
Trenk, qui etait redevenu pensif.
--Si content, repondit-il, que si je fais quelque sejour a Vienne, je ne
veux pas d'autre maitre que lui.
--Je vous enseignerai la viole d'amour, reprit le comte, et je vous demande
la preference.
--J'aime mieux le violon et ce professeur-la," repartit le baron, qui, dans
ses preoccupations, avait une franchise incomparable.
Il prit le violon, et joua de memoire avec beaucoup de purete et
d'expression quelques passages du morceau que Joseph venait de dire; puis
le lui rendant:
"Je voulais vous faire voir, lui dit-il avec une modestie tres-reelle, que
je ne suis bon qu'a devenir votre ecolier mais que je puis apprendre avec
attention et docilite."
Consuelo le pria de jouer autre chose, et il le fit sans affectation.
Il avait du talent, du gout et de l'intelligence. Hoditz donna des eloges
exageres a la composition du morceau.
"Elle n'est pas tres-bonne, repondit Trenk, car elle est de moi; je l'aime
pourtant, parce qu'elle a plu a _ma princesse_."
Le comte fit une grimace terrible pour l'avertir de peser ses paroles.
Trenk n'y prit pas seulement garde, et, perdu dans ses pensees, il fit
courir l'archet sur les cordes pendant quelques instants; puis jetant le
violon sur la table, il se leva, et marcha a grands pas en passant sa mai
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