nt a traduire des poesies lyriques, et en ajustant des paroles
etrangeres sur des airs nationaux, pour se rendre compte du rhythme et de
l'accent. Elle etait ainsi parvenue a bien connaitre les regles de la
versification dans plusieurs langues, et il ne lui fut pas difficile de
relever les erreurs du poete morave.
Emerveille de son savoir, mais ne pouvant se resoudre a douter du sien
propre, Hoditz consulta le baron, qui se porta competent pour donner
gain de cause au petit musicien. De ce moment, le comte s'occupa d'elle
exclusivement, mais sans paraitre se douter de son age veritable ni de son
sexe. Il lui demanda seulement ou _il_ avait ete eleve, pour savoir si bien
les lois du Parnasse.
"A l'ecole gratuite des maitrises de chant de Venise, repondit-elle
laconiquement.
--Il parait que les etudes de ce pays-la sont plus fortes que celles de
l'Allemagne; et votre camarade, ou a-t-il etudie?
--A la cathedrale de Vienne, repondit Joseph.
--Mes enfants, reprit le comte, je crois que vous avez tous deux beaucoup
d'intelligence et d'aptitude. A notre premier gite, je veux vous examiner
sur la musique; et si vous tenez ce que vos figures et vos manieres
promettent, je vous engage pour mon orchestre ou mon theatre de Roswald.
Je veux tout de bon vous presenter a la princesse mon epouse; qu'en
diriez-vous? hein! Ce serait une fortune pour des enfants comme vous."
Consuelo avait ete prise d'une forte envie de rire en entendant le comte se
proposer d'examiner Haydn et elle-meme sur la musique. Elle ne put que
s'incliner respectueusement avec de grands efforts pour garder son
serieux. Joseph, sentant davantage les consequences avantageuses pour lui
d'une nouvelle protection, remercia et ne refusa pas. Le comte reprit
ses tablettes, et lut a Consuelo la moitie d'un petit opera italien
singulierement detestable, et plein de barbarismes, qu'il se promettait
de mettre lui-meme en musique et de faire representer pour la fete de sa
femme par ses acteurs, sur son theatre, dans son chateau, ou, pour mieux
dire, dans sa residence; car, se croyant prince par le fait de sa margrave,
il ne parlait pas autrement.
Consuelo poussait de temps en temps le coude de Joseph pour lui faire
remarquer les bevues du comte, et, succombant sous l'ennui, se disait en
elle-meme que, pour s'etre laisse seduire par de tels madrigaux, la fameuse
beaute du margraviat hereditaire de Bareith, apanage de Culmbach, devait
etre une personne bien event
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