enfants intelligents et doux, comme vous me
paraissez l'etre, faire le metier de vagabonds. Croyez-en un bon homme qui
a des enfants, lui aussi, et qui vraisemblablement ne vous reverra jamais,
mes petits amis. On se tue et on se corrompt a courir les aventures.
Souvenez-vous de ce que je vous dis la.
--Merci de votre bon conseil, Monsieur, reprit Consuelo avec un sourire
affectueux; nous en profiterons peut-etre.
--Dieu vous entende, mon petit gondolier! dit M. Mayer a Consuelo, qui
avait pris une rame, et, machinalement, par une habitude toute populaire et
venitienne, s'etait mise a naviguer."
La barque touchait au rivage, apres avoir fait un biais assez considerable
a cause du courant de l'eau qui etait un peu rude. M. Mayer adressa un
adieu amical aux jeunes artistes en leur souhaitant un bon voyage, et son
compagnon silencieux les empecha de payer leur part au batelier. Apres les
remerciements convenables, Consuelo et Joseph entrerent dans un sentier qui
conduisait vers les montagnes, tandis que les deux etrangers suivaient
la rive aplanie du fleuve dans la meme direction.
"Ce M. Mayer me parait un brave homme, dit Consuelo en se retournant une
derniere fois sur la hauteur au moment de le perdre de vue. Je suis sure
que c'est un bon pere de famille.
--Il est curieux et bavard, dit Joseph, et je suis bien aise de vous voir
debarrassee de ses questions.
--Il aime a causer comme toutes les personnes qui ont beaucoup voyage.
C'est un cosmopolite, a en juger par sa facilite a prononcer les divers
dialectes. De quel pays peut-il etre?
--Il a l'accent saxon, quoiqu'il parle bien le bas autrichien. Je le crois
du nord de l'Allemagne, Prussien peut-etre!
--Tant pis; je n'aime guere les Prussiens, et le roi Frederic encore moins
que toute sa nation, d'apres tout ce que j'ai entendu raconter de lui au
chateau des Geants.
--En ce cas, vous vous plairez a Vienne; ce roi batailleur et philosophe
n'a de partisans ni a la cour, ni a la ville."
En devisant ainsi, ils gagnerent l'epaisseur des bois, et suivirent des
sentiers qui tantot se perdaient sous les sapins, et tantot cotoyaient
un amphitheatre de montagnes accidentees. Consuelo trouvait ces monts
hyrcinio-carpathiens plus agreables que sublimes; apres avoir traverse
maintes fois les Alpes, elle n'eprouvait pas les memes transports que
Joseph, qui n'avait jamais vu de cimes aussi majestueuses. Les impressions
de celui-ci le portaient donc a l'enthousiasme
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