plusieurs de ces biographies l'avaient frappee, et
entre autres celle du comte Hoditz-Roswald, seigneur morave tres-riche,
chasse et abandonne par un pere irrite de ses deportements, aventurier
tres-repandu dans toutes les cours de l'Europe; enfin, grand-ecuyer et
amant de la margrave douairiere de Bareith, qu'il avait epousee en secret,
enlevee et conduite a Vienne, de la en Moravie, ou, ayant herite de son
pere, il l'avait mise recemment a la tete d'une brillante fortune. La
chanoinesse etait revenue souvent sur cette histoire, qu'elle trouvait fort
scandaleuse parce que la margrave etait princesse suzeraine, et le comte
simple gentilhomme; et c'etait pour elle un sujet de se dechainer contre
les mesalliances et les mariages d'amour. De son cote, Consuelo, qui
cherchait a comprendre et a bien connaitre les prejuges de la caste
nobiliaire, faisait son profit de ces revelations et ne les oubliait pas.
La premiere fois que le comte Hoditz s'etait nomme devant elle, elle avait
ete frappee d'une vague reminiscence, et maintenant elle avait presentes
toutes les circonstances de la vie et du mariage romanesque de cet
aventurier celebre. Quant au baron de Trenk, qui n'etait alors qu'au
debut de sa memorable disgrace, et qui ne presageait guere son epouvantable
avenir, elle n'en avait jamais entendu parler. Elle ecouta donc le comte
etaler avec un peu de vanite le tableau de sa nouvelle opulence. Raille
et meprise dans les petites cours orgueilleuses de l'Allemagne, Hoditz
avait longtemps rougi d'etre regarde comme un pauvre diable enrichi par
sa femme. Heritier de biens immenses, il se croyait desormais rehabilite
en etalant le faste d'un roi dans son comte morave, et produisait avec
complaisance ses nouveaux titres a la consideration ou a l'envie de minces
souverains beaucoup moins riches que lui. Rempli de bons procedes et
d'attentions delicates pour sa margrave, il ne se piquait pourtant pas
d'une scrupuleuse fidelite envers une femme beaucoup plus agee que lui; et
soit que cette princesse eut, pour fermer les yeux, les bons principes et
le bon gout du temps, soit qu'elle crut que l'epoux illustre par elle ne
pouvait jamais ouvrir les yeux sur le declin de sa beaute, elle ne le
genait point dans ses fantaisies.
Au bout de quelques lieues, on trouva un relais prepare expres a l'avance
pour les nobles voyageurs. Consuelo et Joseph voulurent descendre et
prendre conge d'eux; mais ils s'y opposerent, pretextant la possibilite
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