les details de leur situation dans un
entretien amical, ils songerent aux precautions et aux arrangements a
prendre pour retourner a Vienne. La premiere chose qu'ils firent fut de
tirer leurs bourses et de compter leur argent. Consuelo etait encore la
plus riche des deux; mais leurs fonds reunis pouvaient fournir de quoi
faire agreablement la route a pied, sans souffrir de la faim et sans
coucher a la belle etoile. Il ne fallait pas songer a autre chose, et
Consuelo en avait deja pris son parti. Cependant, malgre la gaiete
philosophique qu'elle montrait a cet egard, Joseph etait soucieux et
pensif.
"Qu'avez-vous? lui dit-elle; vous craignez peut-etre l'embarras de ma
compagnie. Je gage pourtant que je marche mieux que vous.
--Vous devez tout faire mieux que moi, repondit-il; ce n'est pas la ce qui
m'inquiete. Mais je m'attriste et je m'epouvante quand je songe que vous
etes jeune et belle, et que tous les regards vont s'attacher sur vous avec
convoitise, tandis que je suis si petit et si chetif que, bien resolu a me
faire tuer pour vous, je n'aurai peut-etre pas la force de vous preserver.
--A quoi allez-vous songer, mon pauvre enfant? Si j'etais assez belle pour
fixer les regards des passants, je pense qu'une femme qui se respecte sait
imposer toujours par sa contenance....
--Que vous soyez laide ou belle, jeune ou sur le retour, effrontee ou
modeste, vous n'etes pas en surete sur ces routes couvertes de soldats et
de vauriens de toute espece. Depuis que la paix est faite, le pays est
inonde de militaires qui retournent dans leurs garnisons, et surtout de ces
volontaires aventuriers qui, se voyant licencies, et ne sachant plus ou
trouver fortune, se mettent a piller les passants, a ranconner les
campagnes, et a traiter les provinces en pays conquis. Notre pauvrete nous
met a l'abri de leur talent de ce cote-la; mais il suffit que vous soyez
femme pour eveiller leur brutalite. Je pense serieusement a changer de
route; et, au lieu de nous en aller par Piseck et Budweiss, qui sont des
places de guerre offrant un continuel pretexte au passage des troupes
licenciees et autres qui ne valent guere mieux, nous ferons bien de
descendre le cours de la Moldaw, en suivant les gorges de montagnes a peu
pres desertes, ou la cupidite et les brigandages de ces messieurs ne
trouvent rien qui puisse les amorcer. Nous cotoierons la riviere jusque
vers Reichenau, et nous entrerons tout de suite en Autriche par Freistadt.
Une fois s
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