ser, a diner, a
faire de la musique et a dormir. Aussitot que la soiree devenait froide,
ils achevaient de souper, pliaient bagage, et reprenaient leur course
jusqu'au jour. Ils echappaient ainsi a la fatigue d'une marche au soleil,
aux dangers d'etre examines curieusement, a la malproprete et a la depense
des auberges. Mais lorsque la pluie, qui devint assez frequente dans la
partie elevee du Boehmer-Wald ou la Moldaw prend sa source, les forcait de
chercher un abri, ils se retiraient ou ils pouvaient, tantot dans la cabane
de quelque serf, tantot dans les hangars de quelque chatellenie. Ils
fuyaient avec soin les cabarets, ou ils eussent pu trouver plus facilement
a se loger, dans la crainte des mauvaises rencontres, des propos grossiers,
et des scenes bruyantes.
Un soir donc, presses par l'orage, ils entrerent dans la hutte d'un
chevrier, qui, pour toute demonstration d'hospitalite, leur dit en baillant
et en etendant les bras du cote de sa bergerie:
"Allez au foin."
Consuelo se glissa dans un coin bien sombre, comme elle avait coutume
de faire, et Joseph allait s'installer a distance dans un autre coin,
lorsqu'il heurta les jambes d'un homme endormi qui l'apostropha rudement.
D'autres jurements repondirent a l'imprecation du dormeur, et Joseph,
effraye de cette compagnie, se rapprocha de Consuelo et lui saisit le bras
pour etre sur que personne ne se mettrait entre eux. D'abord leur pensee
fut de sortir; mais la pluie ruisselait a grand bruit sur le toit de
planches de la hutte, et tout le monde etait rendormi.
"Restons, dit Joseph a voix basse, jusqu'a ce que la pluie ait cesse. Vous
pouvez dormir sans crainte, je ne fermerai pas l'oeil, je resterai pres de
vous. Personne ne peut se douter qu'il y ait une femme ici. Aussitot que le
temps redeviendra supportable, je vous eveillerai, et nous nous glisserons
dehors."
Consuelo n'etait pas fort rassuree; mais il y avait plus de danger a sortir
tout de suite qu'a rester. Le chevrier et ses hotes remarqueraient cette
crainte de demeurer avec eux; ils en prendraient des soupcons, ou sur leur
sexe, ou sur l'argent qu'on pourrait leur supposer; et si ces hommes
etaient capables de mauvaises intentions, ils les suivraient dans la
campagne pour les attaquer. Consuelo, ayant fait toutes ces reflexions,
se tint tranquille; mais elle enlaca son bras a celui de Joseph, par un
sentiment de frayeur bien naturelle et de confiance bien fondee en sa
sollicitude.
Quand la p
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