ne a son
audace, et que trop bien reconnu au bruit de ses pas) s'etait prepare a
l'aborder effrontement par une embrassade fraternelle en presence des
temoins. Lorsqu'il la vit entrer seule, pale, mais froide et severe, il
perdit tout son courage, et vint se jeter a ses pieds en balbutiant.
Il n'eut pas besoin de feindre la joie et la tendresse. Il eprouvait
violemment et reellement ces deux sentiments, en retrouvant celle qu'il
n'avait jamais cesse d'aimer malgre sa trahison. Il fondit en pleurs; et,
comme elle ne voulut point lui laisser prendre ses mains, il couvrit de
baisers et de larmes le bord de son vetement. Consuelo ne s'etait pas
attendue a le retrouver ainsi. Depuis quatre mois, elle le revait tel
qu'il s'etait montre la nuit de leur rupture, amer, ironique, meprisable
et haissable entre tous les hommes. Ce matin meme, elle l'avait vu passer
avec une demarche insolente et un air d'insouciance presque cynique. Et
voila qu'il etait a genoux, humilie, repentant, baigne de larmes, comme
dans les jours orageux de leurs reconciliations passionnees; plus beau que
jamais, car son costume de voyage un peu commun, mais bien porte, lui
seyait a merveille, et le hale des chemins avait donne un caractere plus
male a ses traits admirables.
Palpitante comme la colombe que le vautour vient de saisir, elle fut
forcee de s'asseoir et de cacher son visage dans ses mains, pour se
derober a la fascination de son regard. Ce mouvement, qu'Anzoleto prit
pour de la honte, l'encouragea; et le retour des mauvaises pensees vint
bien vite gater l'elan naif de son premier transport. Anzoleto, en fuyant
Venise et les degouts qu'il y avait eprouves en punition de ses fautes,
n'avait pas eu d'autre pensee que celle de chercher fortune; mais en meme
temps il avait toujours nourri le desir et l'esperance de retrouver sa
chere Consuelo. Un talent aussi eblouissant ne pouvait, selon lui, rester
cache bien longtemps, et nulle part il n'avait neglige de prendre des
informations, en faisant causer ses hoteliers, ses guides, ou les
voyageurs dont il faisait la rencontre. A Vienne, il avait retrouve des
personnes de distinction de sa nation, auxquelles il avait confesse son
coup de tete et sa fuite. Elles lui avaient conseille d'aller attendre
plus loin de Venise que le comte Zustiniani eut oublie ou pardonne son
escapade; et en lui promettant de s'y employer, elles lui avaient donne
des lettres de recommandation pour Prague, Dresde et Berlin. En pa
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