dans une onde pleine peut-etre des memes reliques effrayantes; et au
milieu de tout cela, la figure pale et ardente de l'ascetique Albert,
la pensee d'un monde inconnu, l'apparition d'une scene symbolique, et
l'emotion douloureuse d'une fascination incomprehensible, c'en etait trop
pour l'ame paisible et simple de Consuelo. Pour entrer dans cette region
des idees abstraites, il lui fallait faire un effort dont son imagination
vive etait capable, mais ou son etre se brisait, torture par de
mysterieuses souffrances et de fatigants prestiges. Son organisation
meridionale, plus encore que son education, se refusait a cette initiation
austere d'un amour mystique. Albert etait pour elle le genie du Nord,
profond, puissant, sublime parfois, mais toujours triste, comme le vent
des nuits glacees et la voix souterraine des torrents d'hiver. C'etait
l'ame reveuse et investigatrice qui interroge et symbolise toutes choses,
les nuits d'orage, la course des meteores, les harmonies sauvages de la
foret, et l'inscription effacee des antiques tombeaux. Anzoleto, c'etait
au contraire la vie meridionale, la matiere embrasee et fecondee par
le grand soleil, par la pleine lumiere, ne tirant sa poesie que de
l'intensite de sa vegetation, et son orgueil que de la richesse de son
principe organique. C'etait la vie du sentiment avec l'aprete aux
jouissances, le sans-souci et le sans-lendemain intellectuel des artistes,
une sorte d'ignorance ou d'indifference de la notion du bien et du mal,
le bonheur facile, le mepris ou l'impuissance de la reflexion; en un mot,
l'ennemi et le contraire de l'idee.
Entre ces deux hommes, dont chacun etait lie a un milieu antipathique a
celui de l'autre, Consuelo etait aussi peu vivante, aussi peu capable
d'action et d'energie qu'une ame separee de son corps. Elle aimait le
beau, elle avait soif d'un ideal. Albert le lui enseignait, et le lui
offrait. Mais Albert, arrete dans le developpement de son genie par un
principe maladif, avait trop donne a la vie de l'intelligence. Il
connaissait si peu la necessite de la vie reelle, qu'il avait souvent
perdu la faculte de sentir sa propre existence. Il n'imaginait pas que
les idees et les objets sinistres avec lesquels il s'etait familiarise
pussent, sous l'influence de l'amour et de la vertu, inspirer d'autres
sentiments a sa fiancee que l'enthousiasme de la foi et l'attendrissement
du bonheur. Il n'avait pas prevu, il n'avait pas compris qu'il
l'entrainait dans une a
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