t ne pas le remarquer, et qui, cependant, ne le
perdait pas de vue. Anzoleto, en le voyant plus grand que lui de toute la
tete, et en observant la beaute serieuse de ses traits, comprit que, de
toutes facons, il n'avait pas un rival aussi meprisable qu'il l'avait
d'abord pense, dans la personne du fou de Riesenburg. Il prit donc le
parti de rentrer dans le salon, et d'essayer sa belle voix dans ce vaste
local, en promenant avec distraction ses doigts sur le clavecin.
"Ma fille, dit le comte Christian a Consuelo, apres l'avoir conduite dans
son cabinet et lui avoir avance un grand fauteuil de velours rouge a
crepines d'or, tandis qu'il s'assit sur un pliant a cote d'elle, j'ai a
vous demander une grace, et je ne sais pas encore de quel droit je vais
le faire avant que vous ayez compris mes intentions. Puis-je me flatter
que mes cheveux blancs, ma tendre estime pour vous, et l'amitie du noble
Porpora, votre pere adoptif, vous donneront assez de confiance en moi
pour que vous consentiez a m'ouvrir votre coeur sans reserve?"
Attendrie et cependant un peu effrayee de ce debut, Consuelo porta a ses
levres la main du vieillard, et lui repondit avec effusion:
"Oui, monsieur le comte, je vous respecte et vous aime comme si
j'avais l'honneur de vous avoir pour mon pere, et je puis repondre sans
crainte et sans detour a toutes vos questions, en ce qui me concerne
personnellement."
--Je ne vous demanderai rien autre chose, ma chere fille, et je vous
remercie de cette promesse. Croyez-moi incapable d'en abuser, comme je
vous crois incapable d'y manquer.
--Je le crois, monsieur le comte. Daignez parler.
--Eh bien, mon enfant, dit le vieillard avec une curiosite naive et
encourageante, comment vous nommez-vous?
--Je n'ai pas de nom, repondit Consuelo sans hesiter; ma mere n'en portait
pas d'autre que celui de Rosmunda. Au bapteme, je fus appelee Marie de
Consolation: je n'ai jamais connu mon pere.
--Mais vous savez son nom?
--Nullement, monseigneur; je n'ai jamais entendu parler de lui.
--Maitre Porpora vous a-t-il adoptee? Vous a-t-il donne son nom par un
acte legal?
--Non, monseigneur. Entre artistes, ces choses-la ne se font pas, et ne
sont pas necessaires. Mon genereux maitre ne possede rien, et n'a rien a
leguer. Quant a son nom, il est fort inutile a ma position dans le monde
que je le porte en vertu d'un usage ou d'un contrat. Si je le justifie par
quelque talent, il me sera bien acquis; sinon, j'aurai r
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