s'arrangeant devant son miroir.
Mais quelle difference de la part d'Anzoleto! Avec quel soin minutieux il
l'avait regardee, jugee et detaillee dans son imagination, le jour ou il
s'etait demande si elle n'etait pas laide! Comme il lui avait tenu compte
des moindres graces de sa personne, des moindres efforts qu'elle avait
faits pour plaire! Comme il connaissait ses cheveux, son bras, son pied,
sa demarche, les couleurs qui embellissaient son teint, les moindres plis
que formait son vetement! Et avec quelle vivacite ardente il l'avait
louee! avec quelle voluptueuse langueur il l'avait contemplee! La chaste
fille n'avait pas compris alors les tressaillements de son propre coeur.
Elle ne voulait pas les comprendre encore, et cependant, elle les
ressentait presque aussi violents, a l'idee de reparaitre devant ses yeux.
Elle s'impatientait contre elle-meme, rougissait de honte et de depit,
s'efforcait de s'embellir pour Albert seul; et pourtant elle cherchait la
coiffure, le ruban, et jusqu'au regard qui plaisaient a Anzoleto. Helas!
helas! se dit-elle en s'arrachant de son miroir lorsque sa toilette fut
finie, il est donc vrai que je ne puis penser qu'a lui, et que le bonheur
passe exerce sur moi un pouvoir plus entrainant que le mepris present et
les promesses d'un autre amour! J'ai beau regarder l'avenir, sans lui il
ne m'offre que terreur et desespoir. Mais que serait-ce donc avec lui?
Ne sais-je pas bien que les beaux jours de Venise ne peuvent revenir,
Que l'innocence n'habiterait plus avec nous, que l'ame d'Anzoleto est a
Jamais corrompue, que ses caresses m'aviliraient, et que ma vie serait
empoisonnee a toute heure par la honte, la jalousie, la crainte et le
regret?
En s'interrogeant a cet egard avec severite, Consuelo reconnut qu'elle ne
se faisait aucune illusion, et qu'elle n'avait pas la plus secrete emotion
de desir pour Anzoleto. Elle ne l'aimait plus dans le present, elle le
redoutait et le haissait presque dans un avenir ou sa perversite ne
pouvait qu'augmenter; mais dans le passe elle le cherissait a un tel point
que son ame et sa vie ne pouvaient s'en detacher. Il etait desormais
devant elle comme un portrait qui lui rappelait un etre adore et des jours
de delices, et, comme une veuve qui se cache de son nouvel epoux pour
regarder l'image du premier, elle sentait que le mort etait plus vivant
que l'autre dans son coeur.
LX.
Consuelo avait trop de jugement et d'elevation dans l'esprit pour n
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