il est absolument impossible a
Une femme de prendre de l'amour pour le comte Albert, puisque vous me
demandez de rester toujours avec lui?
--Eh quoi! me suis-je si mal explique, ou me jugez-vous insense, chere
Consuelo? Ne vous ai-je pas demande votre coeur et votre main pour mon
fils? N'ai-je pas mis a vos pieds une alliance legitime et certainement
honorable? Si vous aimiez Albert, vous trouveriez sans doute dans le
bonheur de partager sa vie un dedommagement a la perte de votre gloire et
de vos triomphes! Mais vous ne l'aimez pas, puisque vous regardez comme
impossible de renoncer a ce que vous appelez votre destinee!"
Cette explication avait ete tardive, a l'insu meme du bon Christian. Ce
n'etait pas sans un melange de terreur et de mortelle repugnance que le
vieux seigneur avait sacrifie au bonheur de son fils toutes les idees de
sa vie, tous les principes de sa caste; et lorsque, apres une longue et
penible lutte avec Albert et avec lui-meme, il avait consomme le
sacrifice, la ratification absolue d'un acte si terrible n'avait pu
arriver sans effort de son coeur a ses levres.
Consuelo le pressentit ou le devina; car au moment ou Christian parut
renoncer a la faire consentir a ce mariage, il y eut certainement sur le
visage du vieillard une expression de joie involontaire, melee a celle
d'une etrange consternation.
En un instant Consuelo comprit sa situation, et une fierte peut-etre un
peu trop personnelle lui inspira de l'eloignement pour le parti qu'on lui
proposait.
"Vous voulez que je devienne la femme du comte Albert! dit-elle encore
etourdie d'une offre si etrange. Vous consentiriez a m'appeler votre
fille, a me faire porter votre nom, a me presenter a vos parents, a vos
amis?... Ah! monseigneur! combien vous aimez votre fils, et combien votre
fils doit vous aimer!
--Si vous trouvez en cela une generosite si grande, Consuelo, c'est que
votre coeur ne peut en concevoir une pareille, ou que l'objet ne vous
parait pas digne!
--Monseigneur, dit Consuelo apres s'etre recueillie en cachant son visage
dans ses mains, je crois rever. Mon orgueil se reveille malgre moi a
l'idee des humiliations dont ma vie serait abreuvee si j'osais accepter le
sacrifice que votre amour paternel vous suggere.
--Et qui oserait vous humilier, Consuelo, quand le pere et le fils vous
couvriraient de l'egide du mariage et de la famille?
--Et la tante, monseigneur? la tante, qui est ici une mere veritable,
verrait-elle
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