r bien lui donner un asile dans son royaume.
Les autres abbes et les religieux accompagnerent le discours de l'abbe
de leurs gemissemens et de leurs larmes, et firent connaitre au roi que
c'etait une grace que l'Ordre en general, pour lequel il avait tant de
bontes, lui demandait.
Le roi leur repondit qu'il etait tres-edifie de l'attachement qu'ils
faisaient paraitre pour le pere commun des Fideles, qu'ils ne pouvaient
pas douter que lui-meme n'en eut aussi beaucoup, et qu'il ne fut
tres-sensible aux maux que souffrait le pape; qu'il aurait egard a leur
demande; qu'il etait dispose a soutenir les interets de l'Eglise et a
la mettre a couvert de toutes sortes d'injures; qu'il prendrait la
protection du pape autant que son devoir et son honneur l'exigeaient de
lui; mais qu'il ne pouvait point recevoir le pape en France, qu'il n'eut
consulte auparavant les seigneurs qui l'accompagnaient, et il ajouta
qu'il ne tiendrait pas a lui que tout l'Ordre ne fut satisfait.
Mais les principaux seigneurs, consultes quelque temps apres, ne furent
pas d'avis que le pape vint faire sa demeure en France. La jalousie
qu'ils avaient concue contre la puissance des ecclesiastiques dans le
royaume, avec lesquels ils contestaient sans cesse sur les bornes de
leur juridiction, leur fit apprehender la presence du pape, en qui cette
puissance reside avec plus de plenitude. On le fit prier, comme il
s'avancait vers Lyon, de ne pas passer outre. Le roi d'Angleterre et le
roi d'Aragon lui refuserent pareillement l'entree de leurs etats: de
sorte qu'il fut oblige de demeurer a Lyon, qui n'etait pas encore alors
reuni au royaume de France. Cette ville relevait de l'empire, de maniere
neanmoins que l'archeveque en etait le seigneur, et que les empereurs,
depuis long-temps, n'y avaient aucune autorite.
Le souverain pontife ressentit vivement ce refus; et lorsque le docteur
Martin, envoye du roi d'Angleterre, lui rapporta sa reponse, on dit
que, dans sa colere, il laissa echapper ces paroles inconsiderees qui
choquerent extremement les souverains: _Il faut_, dit-il, _venir a bout
de l'empereur, ou nous accommoder avec lui, et quand nous aurons ecrase
ou adouci ce grand dragon, nous foulerons aux pieds sans crainte tous
ces petits serpens_. Des lors il resolut de faire son sejour a Lyon, et
d'y assembler un concile pour y citer Frederic, et l'y deposer, s'il
refusait de s'accommoder avec le Saint-Siege.
Mais, sur ces entrefaites, il survint un accid
|