i
qui souffre l'injustice d'ou naissent tant de maux dans la chretiente."
Ce discours fit rire non-seulement dans l'auditoire et dans Paris,
mais encore dans tous les pays etrangers. L'empereur, qui l'apprit
des premiers, en fit faire au cure des complimens qu'il accompagna de
presens considerables. Le pape ne gouta point la plaisanterie, et le
cure, quelque temps apres, fut mis en penitence.
Cependant, l'empereur poussa si vivement le pape, qu'il fut oblige de
s'enfuir d'Italie, et de venir chercher un asile en-deca des Alpes. Il
se sauva d'abord au travers de bien des dangers a Genes, sa patrie; mais
ne se croyant pas encore en surete, il en partit sans trop savoir quel
lieu il choisirait pour sa retraite. Son dessein etait de venir en
France; mais il n'etait pas sur qu'on voulut l'y recevoir, et son
incertitude n'etait point sans fondement.
Soit qu'il eut deja fait sonder le roi sur ce sujet, soit que les
seigneurs de France ne fussent pas dans une disposition favorable pour
lui, il ne s'adressa pas directement a ce prince, mais il prit une autre
voie. Il savait que le roi avait une extreme consideration pour l'ordre
de Citeaux, et qu'il devait honorer de sa presence le chapitre general
qui devait s'y tenir au mois de septembre. Il engagea l'abbe et tout
l'Ordre, a demander au roi son agrement pour sa retraite dans le
royaume.
Le roi se rendit effectivement a Citeaux avec la reine sa mere, les
comtes d'Artois et de Poitiers, et quelques autres des principaux
seigneurs de France. Comme c'etait la premiere fois qu'il venait a cette
celebre abbaye, on l'y recut avec les honneurs et les ceremonies dues a
la majeste et a la vertu d'un si grand prince. L'abbe de Citeaux, les
abbes de l'Ordre et les religieux, au nombre de cinq cents, vinrent
au-devant de lui. Le roi descendit de cheval, et recut leurs complimens
avec la plus grande bonte.
Ce prince entra dans le chapitre; et s'y etant assis accompagne des
seigneurs et de la reine sa mere, a qui, par respect pour elle, il fit
prendre la premiere place, l'abbe de Citeaux, a la tete de ce grand
cortege d'abbes et de religieux, vint se jeter a ses pieds. Le roi, les
voyant tous a genoux, se mit a genoux lui-meme, les fit relever, et
leur demanda ce qu'ils souhaitaient de lui. L'abbe fit un discours fort
pathetique pour supplier Sa Majeste de prendre en main la cause du chef
de l'Eglise, persecute par l'empereur, et finit en le conjurant, les
larmes aux yeux, de vouloi
|