passionnes de Lelia et le
theatre en liberte de Fantasio, ont trouble et seduit trois generations.
On disait du poete, du poete de la jeunesse, que l'amour d'une femme
avait eveille son genie, pour le faire mourir. On savait aussi que cette
maitresse "qui voulait etre belle, et ne savait pas pardonner" avait
aureole la plus glorieuse carriere, d'une vieillesse entouree de
veneration. On n'osait franchement plaindre l'un ni excuser l'autre.
Apres la mort du poete, George Sand la premiere avait pretendu se
justifier. Paul de Musset repondit pour son frere et d'autres temoins
se melerent de la querelle: accusation et defense parurent egalement
suspectes. On attendait donc que le temps permit d'exhumer les papiers
intimes. Apres soixante-deux ans, le mystere s'est devoile.
Deux articles fort documentes ont paru cet ete, qui jetaient des lueurs
nouvelles sur ces miseres de poetes: l'un de M. le vicomte de Spoelberch
de Lovenjoul, l'erudit bibliophile belge, tout sympathique a George
Sand, l'autre de M. Maurice Clouard, un fervent de Musset, ce qui
semblerait nous designer ses preferences. Mais leurs conclusions
s'accordent mal avec les dernieres revelations.
Tout recemment, j'ai traduit et publie le journal intime du docteur
Pagello, ou il est d'abord conte comment George Sand lui declara son
amour, dans la chambre meme de Musset gravement malade a Venise. La
declaration indirecte et encore indecise de la romanciere au medecin[1]
etait publiee a son tour par M. le docteur Cabanes, au cours d'une
interview de Pagello lui-meme, laquelle confirmait de tout point les
assertions du journal, plus precis encore pour etre a peine posterieur
aux evenements evoques.
Ce journal m'avait ete confie il y a six ans. Je ne l'ai fait connaitre
qu'apres avoir acquis la preuve qu'il n'etait pas absolument inedit. Si
Pagello est discret sur son bonheur pendant la fin du sejour de Musset,
il ne dissimule pas quelle sorte d'amour lui avait offert George Sand.
On n'avait jusqu'ici que de vagues donnees sur ce point.
[Note 1: J'en avais donne une phrase qui peut la resumer: "Je t'aime
parce que tu me plais; peut-etre bientot te hairai-je.]
Pour eclairer ces demi-confidences, j'ai cru pouvoir, sans
indelicatesse, citer aussi de longs fragments d'une lettre inedite de
George Sand a Pagello, ou elle ne dissimule rien de leurs relations.
Cette lettre, dont j'avais pris copie sur l'autographe (ceci pour ceux
qui ont semble douter de l'auth
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