mbre 1896.]
Dans ces lettres de George Sand a Sainte-Beuve, il y a une lacune d'un
mois. La suite de la correspondance nous l'explique.
Une liaison avec Merimee, courte et malheureuse, en avril 1833, y est
definitivement revelee. On en avait chuchote jadis, mais en somme on
n'en savait rien. Le premier, M. Augustin Filon, dans son excellente
monographie du maitre de _Colomba_, avait recueilli ces rumeurs.
Incidemment, a propos des annees de dissipation de Merimee, il nous
expliquait la defiance de toute sa vie a l'egard des bas-bleus, par
cette escarmouche rapide entre lui et le plus grand d'entre eux. "Le
court passage de Merimee dans les bonnes graces de Mme Sand est un fait
d'histoire litteraire, ecrit-il, sur lequel s'est greffee une legende
assez amusante. D'apres cette legende, Sainte-Beuve, voyant que Mme Sand
etait seule et souffrait de cette solitude, lui aurait "donne" Merimee,
et, des le lendemain, George Sand lui aurait ecrit pour lui rendre et
lui reprocher ce cadeau. Il n'est pas vrai que Sainte-Beuve ait joue ce
role trop bienveillant et qu'il ait beni l'union civile de Merimee et
de Mme Sand. Mais il est exact qu'il recut des confidence et des
plaintes[12]."
[Note 12: AUGUSTIN FILON, _Merimee et ses amis_, p. 64, in-16,
Hachette, 1894.]
La verite est que cette liaison ne fut confessee a Sainte-Beuve que cinq
mois apres. Au ton dont George Sand la lui raconte dans ses lettres
d'aout et de septembre, quand elle a retrouve l'amour avec Musset, on
concoit les raisons de femme et de psychologue qui la lui avaient fait
dissimuler a son directeur. La rencontre fut breve et nette, digne de
l'homme raffine et precis qu'etait Prosper Merimee. Il parait bien
l'avoir traitee comme une aventure d'etudiants. Mais George Sand, qui
etait de son age, ainsi que son egale en genie, resta froissee et plus
etonnee encore de ce dedain de sa personne et de son ame. Ecoutons ce
ressouvenir:
....Un de ces jours d'ennui et de desespoir, je rencontrai un homme
qui ne doutait de rien, un homme calme et fort, qui ne comprenait rien
a ma nature et qui riait de mes chagrins. La puissance de son esprit
me fascina entierement; pendant huit jours je crus qu'il avait
le secret du bonheur, qu'il me l'apprendrait, que sa dedaigneuse
insouciance me guerirait de mes pueriles susceptibilites. Je croyais
qu'il avait souffert comme moi, et qu'il avait triomphe de sa
sensibilite exterieure. Je ne sais pas encore si je m
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