ses aimables confidents la lettre que nous avons
citee:
Pour la lire jusqu'au bout, ecrit-il, il fallait tourner le feuillet.
Mais ce qui frappa d'etonnement mes amis Rebizzo, ce fut la signature
qui, lue, les fit s'exclamer d'une voix: _"George Sand!"_
Ils me demanderent alors si j'avais fait ma visite au malade francais,
quelle maladie il avait et qui il etait. Je leur repondis:--Le jeune
patient est alite avec une maladie grave que nous avons jugee, mon
collegue et moi, etre une fievre typhoide des plus dangereuses. Il se
nomme Alfred de Musset.
--_Per Bacco!_ s'ecria Rebizzo, c'est le romantique chantre de la
Lune! Connais-tu ses poesies?
--Oui, repondis-je, j'en ai lu deux ou trois; c'est d'une grande
fantaisie un peu desordonnee, mais en meme temps delicate.
Cette lettre de George Sand a Pagello est importante. On n'en a pas fait
ressortir la valeur decisive sur le developpement de cette histoire
d'amour. Elle demontre d'abord que des relations anterieures existaient
entre lui et le couple de l'hotel Danieli. La belle fumeuse du balcon
n'etait pas restee, vraisemblablement, sans s'apercevoir de l'admiration
du jeune Italien, quand _le hasard_ le lui amena dans la personne du
medecin demande pour sa migraine. Elle songea de nouveau a lui pour
remplacer l'imbecile docteur, premier appele au chevet de Musset
gravement atteint. Son malade etait, du moins, encore "la personne
qu'elle aimait le plus au monde".... Cette rencontre, qui decidera du
sort du poete, va nous livrer tout le secret d'une idylle qui doit finir
en tragedie.
Dans quelle situation morale Pagello a-t-il trouve George Sand et Alfred
de Musset? George Sand, etalant la premiere, des recriminations, au
lendemain de la mort du poete, dans un roman a clef, _Elle et Lui_,
"proces-verbal de necropsie", comme l'a qualifie Maxime du Camp,
se plaint abondamment sinon d'infidelites certaines, du moins de
negligences cruelles de la part de Musset, d'indifference et d'abandon.
Mais tous deux ont laisse, dans leurs lettres, des temoignages trop
contradictoires de leur etat d'ame avant la crise qui doit assombrir a
jamais cet amour, pour qu'on puisse rien etablir de precis...
George Sand essayant, _huit mois plus tard_, de retracer a son amant
cette phase douloureuse, lui ecrira:
De quel droit m'interroges-tu sur Venise? Etais-je a toi, a Venise?
Des le premier jour, quand tu m'as vue malade, n'as-tu pas pris de
l'hum
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