ienne, les coutumes de Venise et des environs. Quand
elle n'ecrivait pas, elle s'occupait volontiers des travaux feminins
pour lesquels elle avait une adresse et un gout particuliers, jusqu'a
vouloir meubler toute une chambre de sa main, rideaux, chaises, sofa,
etc. Je ne sais ce qu'elle n'eut pas fait avec ses mains. Sobre,
econome, laborieuse pour elle-meme, elle etait prodigue pour les
autres. Elle ne rencontrait pas un pauvre a qui elle ne fit l'aumone.
Je crois que ses plus gros gains seront prodigues en grande partie a
autrui, peut-etre sans discernement, peut-etre a des escrocs et a des
vicieux, parce que sa generosite manque de mesure jusqu'a l'avoir fait
tomber souvent dans le besoin, avec des benefices de dix mille francs
par an. Elle s'en confessa elle-meme a moi, et je le vis bien, et je
le sus encore a Paris, de quelques-uns de ses plus honnetes amis.
Maintenant, je reviens a mon histoire.
Donc, au mois d'aout, elle m'apprit qu'il lui etait absolument
necessaire d'aller pour quelque temps a Paris. Les vacances
approchaient. Ses deux enfants sortaient du college et ils avaient
coutume de se rendre avec elle a la Chatre ou elle passait l'automne
avec son mari. En meme temps, elle me temoignait un grand desir que
je l'accompagnasse pour revenir ensuite a Venise ensemble. Je restai
trouble et je lui dis que j'y penserais jusqu'au lendemain. Je compris
du coup que j'irais en France et que j'en reviendrais sans elle; mais
je l'aimais au dela de tout, et j'aurais affronte mille desagrements
plutot que de la laisser courir seule un aussi long voyage.
J'arrangeai pour le mieux mes affaires afin de recueillir un peu
d'argent. Le jour suivant, je lui dis que je l'accompagnerais, mais
que j'exigeais d'habiter seul a Paris et de n'etre pas contraint de me
rendre a la Chatre, voulant au contraire profiter de mon sejour
dans cette grande capitale pour frequenter les hopitaux et en faire
beneficier ma profession. A l'accent un peu triste, mais decide, avec
lequel je prononcai ces paroles, elle me repondit: "Mon ami, tu feras
ce qui te plaira le mieux." Je l'avais comprise et elle m'avait
compris. A partir de ce moment-la, nos relations se changerent en
amitie, au moins pour elle. Moi, je voulais bien n'etre qu'un ami;
mais je me sentais neanmoins amoureux....
Les impressions ideales de son sejour a Venise avec Pagello, George Sand
les a immortalisees
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