plus, les bords du lac jusqu'a Lausanne sont
pays enchante. Je n'oserais le decrire d'abord parce que vous avez
l'intention de le visiter, puis parce que Voltaire et specialement
Rousseau les ont depeints, comme personne ne les depeindra plus. Apres
six ou sept jours passes a Geneve, nous montames en diligence, et, par
le Dauphine et la Champagne, nous arrivames a Paris. A la station,
George Sand trouva un de ses amis, M. Bouquereau (Boucoiran) qui
l'accompagna chez elle, quai Voltaire, et moi a l'hotel d'Orleans, rue
des Petits-Augustins, dans une chambrette du troisieme etage a 1 fr.
50 par jour.
La presence de Pagello allait etre importune. Dans sa bonte, George
Sand n'avait ose lui deconseiller le voyage, pour ne pas lui avouer
l'affaiblissement de son amour.
Une melancolie sans issue s'emparait du pauvre Italien, doublement
exile, des son installation a Paris.
La vie monotone et bourgeoise enduree cinq mois a Venise, autant que
cette etrange correspondance entretenue avec Musset,--et toujours
exaltee, malgre l'espece de lassitude que nous y avons constatee des
le mois de juin,--avaient prepare ce refroidissement graduel dans les
relations de Lelia avec le docteur Pagello.
A peine rentree a Paris, G. Sand voulut revoir Musset. Pagello dut y
consentir, s'y resigner, et il en eut d'amers tourments. L'instinctive
generosite de leur amie s'ingeniait a apaiser ces deux tristesses. Mais
tous trois etaient malheureux.
Dans le rapport sense qu'il fait de son sejour a Paris, Pagello ne
prononce pas le nom de Musset, comme nous allons voir. A peine peut-on
soupconner, entre les lignes, qu'il connut ces cruelles divinations de
la jalousie dont l'empoisonnement n'a pour remede que la fuite.
Gomme M. Boucoiran prenait conge de moi, las de corps et d'esprit, je
me laissai tomber sur une chaise, et les coudes appuyes aux genoux, le
front dans les mains, je me dis a moi-meme: "Te voila a Paris avec peu
d'argent et une liaison dont il ne te reste qu'une amitie mal assuree.
Elle succede en toi a une passion mal eteinte, en George Sand a un
caprice satisfait et fini... Qui t'aidera et qui consolera tes douleurs
solitaires? Alors, machinalement, je me levai, et machinalement j'ouvris
ma malle pour en tirer quelques vetements; et, tout en soulevant mon
linge, je decouvris un paquet que je connaissais bien, que je saisis et
decachetai avec un grand respect. C'etait le portrait de ma mere. Je
le couvris de b
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