je me distrais
et ne retournerai a Paris que guerie et fortifiee... Vous avez tort
de parler comme vous faites d'Alfred. N'en parlez pas du tout si vous
m'aimez et soyez sur que c'est fini a jamais entre lui et moi[135]."
[Note 135: Lettre du 15 novembre, citee par Mme Arvede Barine, p. 84.]
Huit jours s'ecoulent, Alfred est gueri; mais voici que George se
reprend a l'aimer,--comme elle n'a jamais aime. Elle revient a Paris
pour le voir. Il s'y refuse. Un desespoir violent s'empare de la pauvre
femme. Elle va payer toutes les larmes qu'elle a fait couler a Venise.
Dans son egarement, elle coupe sa chevelure et l'envoie a Musset. Le
poete touche va se rendre: ses amis le retiennent et triomphent encore.
Alors elle a recours a Sainte-Beuve.
Mais cette obstination a se torturer fatigue son confesseur d'autrefois:
Voila deux jours que je ne vous ai vu, mon ami. Je ne suis pas encore
en etat d'etre abandonnee, de vous surtout qui etes mon meilleur
soutien. Je suis resignee moins que jamais. Je sors, je me distrais,
je me secoue, mais en rentrant dans ma chambre, le soir, je deviens
folle.
Hier mes jambes m'ont emportee malgre moi; j'ai ete chez _lui_.
Heureusement je ne l'ai pas trouve. J'en mourrai. Je sais qu'il est
froid et colere en parlant de moi; je ne comprends pas seulement de
quoi il m'accuse, a propos de je ne sais qui. Cette injustice me
devore le coeur; c'est affreux de se separer sur de pareilles choses.
Et pas un mot, pas une marque de souvenir! Il s'impatiente et il rit
de ce que je ne pars pas. Mais, mon Dieu, conseillez-moi donc de me
tuer; il n'y a plus que cela a faire[136]!...
[Note 136: Lettre du 25 novembre, publiee par M. de Lovenjoul, article
cite, p. 438.]
Elle le supplie de venir. Elle va tous les jours chez Delacroix, un bon
ami, qui fait son portrait pour la _Revue_[137]. Mais le soir, elle est
seule et triste. "--Seule, quelle horreur!"
[Note 137: Nous savons par le _Journal_ du grand peintre comme les
passions emphatiques de G. Sand l'impatientaient...]
Elle traverse une crise terrible, elle va connaitre des douleurs qu'elle
ne soupconnait pas. Ce meme jour, 25 novembre, trop fiere pour ecrire a
l'amant qui ne veut plus d'elle, trop malheureuse aussi, elle confie ses
tourments a un journal intime. Elle nous y laissera le plus sincere de
son ame. Son experience d'ecrivain et de psychologue lui a propose cette
confession comme le meilleur des soula
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