lainte lasse et impuissante
d'un coeur brise repond a son appel. C'est la _Nuit de Mai_.
L'inspiration l'a dictee presque d'une haleine. Voici l'aube du nouveau
genie de Musset. Le poete vient de se ressaisir. Il eleve pieusement a
ses tristes amours le monument promis, _la Confession d'un Enfant du
siecle_. Il s'ecoute, il se rappelle... Tout le douloureux roman de son
coeur lui revient, une nuit de decembre, avec le spectre de la Solitude:
...Ce soir encor je t'ai vu m'apparaitre.
C'etait par une triste nuit.
L'aile des vents battait a ma fenetre
J'etais seul, courbe sur mon lit.
J'y regardais une place cherie,
Tiede encor d'un baiser brulant;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se dechirait lentement.
Je rassemblais des lettres de la veille,
Des cheveux, des debris d'amour.
Tout ce passe me criait a l'oreille
Ses eternels serments d'un jour.
Je contemplais ces reliques sacrees,
Qui me faisaient trembler la main;
Larmes du coeur par le coeur devorees,
Et que les yeux qui les avaient pleurees
Ne reconnaitront plus demain!
J'enveloppais dans un morceau de bure
Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure,
C'est une meche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d'oubli.
De tous cotes j'y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.
J'allais poser le sceau de cire noire
Sur ce fragile et cher tresor,
J'allais le rendre, et n'y pouvant pas croire,
En pleurant j'en doutais encor.
Ah! faible femme, orgueilleuse insensee,
Malgre toi, tu t'en souviendras!
Pourquoi, grand Dieu! mentir a sa pensee?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressee,
Ces sanglots, si tu n'aimais pas?
Oui, tu languis, lu souffres, et tu pleures;
Mais ta chimere est entre nous.
Eh bien, adieu! Vous compterez les heures
Qui me separeront de vous.
Partez, partez, et dans ce coeur de glace
Emportez l'orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m'avez fait.
Parlez, parlez! la Nature immortelle
N'a pas tout voulu vous donner.
Ah! pauvre enfant, qui voulez etre belle,
Et ne savez pas pardonner!
Allez, allez, suivez la destinee;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumee;
Eternel
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